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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif
Autoren: Jerry Spinelli
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plafond avant
    de me regarder de nouveau.
    — As-tu déjà goûté une orange ? m’a-t-il demandé.
    — Non, mais j’en ai entendu parler. Elles existent pour de
    vrai ?
    — T’occupe.
    Il m’a longuement contemplé. A réessayé :
    — As-tu déjà…
    Il s’est interrompu. A secoué la tête. Après m’avoir encore
    dévisagé, il a dit :
    — As-tu déjà eu chaud après avoir eu très froid ?
    Je me suis souvenu des nuits avec les garçons sous le tapis
    natté, le froid puis la chaleur.
    — Oui ! me suis-je exclamé. C’était ça, joyeux ?
    — C’était ça, joyeux, a-t-il confirmé avec un sourire.
    M’est revenue la sensation de la tente douillette et
    chaleureuse. Parfois, je pointais le bout du nez dehors pour
    mieux éprouver la chaleur du reste de mon corps.
    — C’est sous le tapis !
    — Non, ça se trouve là, a-t-il précisé en tapotant ma
    poitrine. Là, a-t-il insisté en se martelant le torse.
    J’ai louché vers le bas, au-delà de mon menton.
    — À l’intérieur ?
    — Exactement.
    Ça commençait à être drôlement encombré, là-dedans.
    D’abord l’ange, maintenant joyeux. Il semblait bien que j’étais
    constitué d’autre chose que de choux et de navets.
    Je me suis tourné vers Janina qui, assise par terre, faisait
    grise mine. Elle n’avait pas ri depuis l’incident de la vache
    carbonisée.
    — Janina n’a pas de joyeux.
    — Non, a confirmé M. Milgrom avec un sourire triste en me
    serrant l’épaule.
    Il a sorti le chandelier d’argent de son coffre à médicaments.
    A allumé la première des huit bougies. Les jumeaux se sont
    rapprochés pour admirer la flamme. Les autres locataires sont
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    restés dans leur coin.
    Dehors, des tirs ont résonné tandis que M. Milgrom
    prononçait quelques mots au-dessus de la chandelle. La flamme
    teintait l’air glacé de son haleine jaune pâle. Puis il a entonné
    une chanson.
    — Chante, Janina, a-t-il ordonné.
    Elle s’est contentée de grogner. Ensuite, il nous a invités à
    nous lever, Janina, moi et les jumeaux, nous a demandé de nous
    donner la main, et nous avons dansé en rond pendant qu’il
    chantait, que la flamme vacillait, et que quelqu’un, dehors,
    hurlait.
    M. Milgrom a souri tout le temps. Je l’ai imité du mieux
    possible. Les épaules de Janina étaient affaissées, et elle traînait
    des pieds.
    Je me suis demandé si les orphelins dansaient la ronde.
    M. Milgrom a tiré un objet de sa poche, puis un deuxième.
    Enveloppés dans du papier journal. Il en a offert un à Janina,
    l’autre à moi. J’ai déchiré mon cadeau. C’était un peigne. J’étais
    épaté. Je me suis rappelé les brosses dans la boutique du
    barbier. Je me suis souvenu de Youri me coiffant. Et voilà que je
    possédais mon propre peigne !
    Envoyant valser ma casquette, j’ai enfoncé le peigne comme
    une bêche dans ma tignasse. Ai tiré. Il est resté coincé.
    Renonçant, j’ai entrepris de séparer les mèches collées
    ensemble avec mes doigts. J’ai repris le peigne. En y mettant
    toutes mes forces, j’ai fini par réussir à le glisser dans mes
    cheveux. Je sentais les poux et les lentes saupoudrer ma nuque.
    Je les entendais rebondir sur le plancher.
    À la lueur de la bougie, je me suis coiffé, encore et encore.
    Ce n’est que le lendemain que j’ai remarqué que Janina n’avait
    pas déballé son cadeau.
    — Tu l’ouvres pas ? ai-je demandé.
    — Non, a-t-elle répondu, boudeuse.
    Du coup, je l’ai fait à sa place. C’était un peigne. Exactement
    comme le mien. Je le lui ai tendu. Elle l’a jeté par terre. Je l’ai
    ramassé et me suis mis à le passer dans ses boucles.
    — Alors, ai-je dit, ça fait pas du bien ? C’est-il pas mieux que
    de s’épouiller avec les doigts ?
    152

    Elle n’a pas répondu. N’a pas souri. Ne m’a pas interdit de
    continuer à la coiffer.

    Le deuxième jour de Hanoukka, lorsque M. Milgrom a
    voulu prendre le chandelier d’argent, il avait disparu. M.
    Milgrom a paru étonné. Pas moi. Dans mon univers, les choses
    n’existaient que pour être volées. Avec une autre famille dans la
    chambre, nous savions qui était responsable. Et pourquoi.
    Quand on connaissait la bonne personne, il était aisé d’échanger
    les objets contre de l’argent, et l’argent contre de la nourriture.
    M. Milgrom n’a accusé personne. Se contentant de regarder
    par la fenêtre, il a dit, assez fort pour que tout le monde dans la
    pièce l’entende :
    — Quelle
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