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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif
Autoren: Jerry Spinelli
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honte pour un juif de voler un autre juif.
    Dénichant un reste de chandelle, il a enflammé la minuscule
    mèche à l’aide d’une allumette. Nous dévisageant, Janina et
    moi, il a demandé :
    — Qui sera la menorah ?
    La menorah portait la chandelle.
    — Moi ! me suis-je écrié.
    Il m’a confié la bougie. Il a fabriqué une collerette dans du
    papier journal pour que la cire brûlante ne coule pas sur mes
    doigts. Je me suis mis au garde-à-vous, m’efforçant d’imiter au
    mieux un menorah. M. Milgrom a prononcé les mots et a
    chanté. Je lui ai demandé si je pouvais chanter la chanson que
    j’avais apprise à l’orphelinat du docteur Korczak.
    — Oui ! a-t-il répondu, les yeux étincelants dans la lumière
    de ma bougie. Oui !
    Alors, chantant porteur de chandelle, j’ai entonné ma
    chanson, et M. Milgrom et les jumeaux ont dansé en rond,
    rieurs. Janina avait refusé de se lever.
    Ainsi ont passé les journées de Hanoukka. Quand la
    chandelle a été terminée, M. Milgrom a frotté une allumette en
    disant que, peut-être, elle durerait huit jours, comme l’huile de
    l’histoire. Mais elle s’est consumée avant même qu’il ait fini de
    parler.
    — Eh bien, a-t-il enchaîné, soyons nous-mêmes les bougies.
    153

    Il a posé sa main sur son torse.
    — Sentez votre cœur, sentez comme il est chaud, a-t-il
    poursuivi.
    J’ai obéi, et j’ai senti mon cœur se réchauffer. J’ai senti la
    flamme dans ma poitrine tandis que nous faisions la ronde.
    Toutes les nuits, je sortais en quête de provisions, tandis
    que Janina restait à la maison, maintenant. Elle ne quittait plus
    la pièce. Ne parlait pas. Avait même cessé de se plaindre. Je
    peignais ses cheveux pendant des heures, quotidiennement,
    mais je ne pouvais peigner un sourire sur ses lèvres. Moi aussi,
    je commençais à perdre mon joyeux.
    C’est alors que j’ai eu une idée.
    Janina n’appréciait peut-être pas son peigne, mais il y avait
    quelque chose qu’elle adorerait. Presque chaque fois qu’elle
    mangeait, je l’entendais marmotter : «J’aurais préféré un œuf
    mariné. » Si je savais ce qu’étaient les harengs marinés,
    j’ignorais tout des œufs marinés. Alors, je me suis juré de lui
    trouver un œuf et un cornichon.
    Hanoukka s’achevait le lendemain. Cette nuit-là, lorsque je
    me suis retrouvé de l’autre côté du mur, j’ai oublié tout le reste.
    Je ne me rappelais pas avoir vu un œuf lors de mes expéditions
    précédentes, mais il faut dire que je n’en avais jamais cherché.
    Les œufs étant conservés dans des endroits frais, j’ai cherché
    dans les glacières et les caves. J’ai visité mes plus belles villas et
    l’hôtel du chameau bleu. En vain.
    Quant aux cornichons, j’espérais dégoter la sorte bien
    grosse et juteuse que Youri mangeait toujours, mais je n’ai rien
    trouvé de mieux qu’un bocal d’oignons blancs au vinaigre dans
    un placard. Comme je voyageais léger, je n’en ai pris que
    quelques-uns, que j’ai fourrés dans ma poche. Ne me restait
    plus qu’à dénicher un œuf.
    Il s’était mis à neiger. Dissimulé dans les ruelles, j’ai secoué
    légèrement des portes et des fenêtres inconnues, tâchant de
    pénétrer quelque part. Depuis les bombardements russes, les
    ruines étaient plus nombreuses. Certains quartiers du Paradis
    commençaient à ressembler au ghetto. J’ai fini par trouver un
    œuf. Pas dans une belle demeure – chez un cordonnier. Je l’ai
    bercé dans ma paume. Je savais combien il était fragile.
    154

    J’entendais déjà le cri ravi de Janina.
    Sur le chemin du retour, en pleine rue, un sifflet a retenti.
    Je n’y ai pas prêté attention. Les Bottes Noires pourchassaient
    quelqu’un. Le sifflet s’est fait plus pressant, puis une voix a
    hurlé : « Au juif ! Au juif ! » Je n’ai pas compris. Personne ne
    m’avait jamais arrêté, par ici. Une deuxième voix s’était jointe à
    la première. J’ai déguerpi. Les flocons s’écrasaient sur mon
    visage. J’évitais de serrer les doigts autour de mon œuf.
    Il m’était impossible de courir tout droit, car les bombes
    avaient formé des cratères au milieu des rues. Pas question non
    plus de mener les Bottes Noires au trou dans le mur. J’ai filé
    dans les sentes et les ombres, me suis enfoncé dans un tas de
    gravats. Me suis accroupi, haletant, pressant l’œuf froid et lisse
    contre mes lèvres. Hurlements et sifflets ont diminué. J’ai
    attendu
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