Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne
Autoren: Robert Escarpit
Vom Netzwerk:
répondit Roudié d’un ton de respect qui ne lui était pas habituel avec ses administrés.  
    — J’apprends qu’une certaine agitation règne dans la région et, pour tout dire, dans le pays. Il ne m’appartient pas de juger qui a tort et qui a raison et je ne doute pas que vous preniez les mesures appropriées, mais au nom de la branche des Escarpit de Coimères aussi bien qu’au nom de la branche des Escarpit du Chasseur, je tiens à vous dire que notre famille est prête à se défendre contre quiconque prétendrait léser ses biens ou menacer sa liberté. Je ne suis plus en âge de porter les armes, mais mon fils Bernard Escarpit, dit Bourrut, qui est ici, prendra à cet effet toutes les mesures nécessaires.  
    Les enfants connaissaient bien Bourrut qui avait l’âge de leurs parents et était patron d’un des couraus de Michelot. Il ressemblait à son père, à la couleur des cheveux près : les siens étaient châtain clair, presque blonds. Les Escarpit inspiraient à Langon une certaine considération prudente. Calmes, avares de confidences, austères, sûrs de parole, ils constituaient un clan fermé qui n’avait de querelles avec personne. On disait qu’ils descendaient de cardeurs huguenots venus des Landes, du Béarn ou peut-être des Flandres le long des routes de la laine. L’un d’entre eux avait été pendu à Toulenne, lors des dragonnades, sous le Grand Roi. Bien que Michelot fût ponctuel à l’église comme il l’était partout, on se demandait parfois s’il avait vraiment abjuré la foi religionnaire.  
    — Bourrut, c’est vrai que les brigands vont venir ? demanda Jantet.  
    L’autre esquissa un sourire.  
    — Ils sont déjà arrivés, petiot. Il y a un brigand dans chacun des hommes qui sont ici, moi comme les autres. Le tout est de ne pas lui donner l’occasion de se montrer.  
    Le lendemain, dès l’aube, on calfata, on menuisa comme si l’inquiétude générale avait donné aux hommes du cœur à l’ouvrage. Les enfants n’en finissaient pas de touiller la résine fondue dans le grand chaudron de fonte et de transporter, au moyen d’un gros bâton passé dans l’anse, les marmites fumantes jusqu’aux calfats qui tapaient à grands coups de masse sur leurs fers. On avait commencé dès l’aube et, vers midi, la chaleur était insoutenable près du feu. Les vapeurs de térébenthine irritaient douloureusement les gorges et les yeux.  
    Perrot ne donna le signal de la pause qu’à quatre heures de l’après-midi. Les enfants se jetèrent avec avidité sur la soupe, puis se rafraîchirent la bouche avec des cerises. Perrot, qui les regardait en souriant, leur dit :  
    — Vous avez bien travaillé, matelots. Je vous donne campo pour le reste de la journée. Mais, avant d’aller vous amuser, vous passerez chez Capulet, lui dire que j’irai le voir ce soir. Et emmenez le reste de la marmaille avec vous. Je n’aime pas voir les petits dans les jambes des hommes pendant qu’on calfate !  
    Suivis de Janote, de Pishehaut et de Cametorte qui clopinait derrière, ils remontèrent la rue de la Brèche jusqu’à l’église et tournèrent dans la rue Saint-Gervais. C’était déjà un autre monde. Le sol n’était plus de grave et de vase, mais de pavé bien aligné. Les hautes maisons de pierre, avec leurs balcons ouvragés, étaient celles des riches bourgeois de Langon. Le soleil lui-même ne se glissait que discrètement entre les façades sombres. Autant le quartier du port, situé juste en contrebas, était animé, bruyant et, aujourd’hui, particulièrement fiévreux, autant la ville haute était calme.  
    Comme ils passaient devant le presbytère, trois jeunes gens en sortirent, tous trois vêtus d’habits noirs à larges revers. L’un d’eux portait un rabat sur son gilet. C’était l’abbé Vital Lafargue, récemment nommé vicaire de Coimères. L’un des autres hommes était son frère cadet, Jean, qui faisait ses études de droit à Bordeaux. Le troisième était inconnu des enfants.  
    — Tiens ! voilà mon élève ! s’écria Vital. Je ne t’ai pas souvent vu, ces temps-ci, Jantet.  
    — C’est qu’on radoube, monsieur l’abbé. Mon père a besoin de moi.  
    — Ta tête aussi a besoin de radouber, sans quoi elle ne tiendra pas l’eau ! Je veux te voir le mois prochain, quand la rivière remontera !… Et Hazembat, là ? Il n’a pas envie d’apprendre, lui aussi ?  
    — Mon père n’a pas assez
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher