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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne
Autoren: Robert Escarpit
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d’argent pour me payer des leçons, monsieur l’abbé.  
    — Oui te parle d’argent ? Comme si l’instruction devait s’acheter ! C’est un droit, mon petit, et c’est aussi un devoir ! Tu viendras avec Jantet. Je suis sûr que tu es très capable.  
    — Il a des yeux intelligents, dit l’inconnu.  
    — Les Hazembat, c’est de la bonne graine, mais on ne lui laisse jamais le temps de lever. Dès qu’ils ont les bras assez forts, on les met au travail.  
    — Ça ne va pas tarder pour ce garçon : il a l’air robuste. Dépêche-toi, l’abbé, avant qu’on ne t’enlève ton disciple !  
    Bernard était un peu irrité de les entendre parler de lui comme d’un âne en foire.  
    —  Que eau plega lo vencilh quan es jœn, dit-il. Jean Lafargue rit.  
    — Cela veut dire qu’il faut plier la branche tant qu’elle est jeune, Fonfrède. Bien parlé, petiot, mais rappelle-toi que, si la branche se redresse, ça peut cingler dur !  
    Suivant l’idée qui lui trottait dans la tête depuis la veille, Jantet demanda :  
    — Monsieur l’abbé, c’est vrai, ce qu’on raconte, qu’il y a des brigands ?  
    — Des brigands peut-être, mais des gens effrayés certainement, et c’est tout aussi dangereux. M. Boye r-F onfrède que tu vois là et qui est un des électeurs du Tiers Etat de Bordeaux est justement venu se rendre compte sur place. Tu es bien de mon avis, Jean-Baptiste ?  
    — Je ne crois pas que Langon risque grand-chose pour le moment, répondit Boye r-F onfrède. La panique paraît avoir commencé du côté de Ruffec. Elle est descendue par la Saintonge et le Périgord jusqu’à l’Entre-Deux-Mers. La Dordogne semble avoir freiné son élan. La Garonne devrait l’arrêter.  
    — A condition que Roudié ne perde pas la tête !  
    — C’est l’occasion ou jamais de lui imposer la création d’une garde bourgeoise.  
    Ils ne s’intéressaient déjà plus aux enfants qui dévalèrent la rue jusqu’à la boutique des Dubernet devant laquelle s’amusait Pouriquète avec son frère Vital, dit Capsus, et sa sœur Marie, dite Castagne.  
    Cette dernière, solide fille de dix ans au regard hardi, devait son chafre non à la couleur de ses cheveux qui étaient noirs, mais à l’attachement fidèle qu’elle manifestait depuis sa prime enfance pour Louis Castaing, dit Castagnot, fils d’un marin et apprenti marin lui-même sur un courau des Dubernet. Castagnot avait quatre ans de plus qu’elle, mais Castagne avait le parler et les formes d’une fille de treize ans.  
    Pouriquète était toute différente. Elle n’avait que huit ans et elle était aussi gracile que sa sœur était bien plantée, mais, étrangement, elle était déjà plus femme. Il y avait une grâce naturelle dans chacun de ses gestes et la profondeur de ses yeux gris-vert attirait le regard des garçons. Elle attirait celui de Bernard au point de le fasciner. Quand il était devant Pouriquète, il se sentait à la fois gauche et ravi. Elle lui arrivait à peine à hauteur de la poitrine et ses cheveux fins, gentiment brossés en deux bandeaux châtain foncé de part et d’autre du visage, retenaient subtilement les parfums d’épices de la boutique de Capulet.  
    La boutique sentait aussi la poix, la salaison, la corde de chanvre, le son et la poussière de grains. Pour le moment, ce n’était vraiment que de la poussière, car les grands bacs à grain étaient vides. Coiffé de son éternel bonnet de feutre rouge, Etienne Dubernet était en train de mesurer une pièce d’étoffe sur son comptoir. Il écouta gravement le message de Perrot et ne fit pas de commentaires.  
    Bien que Capulet fût maître de bateau et eût été marin avant de se faire marchand avec la dot de sa femme Poudiote, elle-même acquise dans l’auberge paternelle du port, les Dubernet étaient des gens de la ville haute et ne permettaient pas à leurs enfants d’aller jouer dans le bas quartier du bord de rivière. Les enfants se rabattirent donc sur le grand jardin qui, derrière la maison, s’étendait jusqu’aux fossés sud de la ville. Dans un reste de vase, Jantet reconstitua la fameuse bataille entre l’ Argonaute et le Trojan dans la baie de Chesapeake. Janote et Castagne étaient avec lui l’équipage français, Capsus et Pishehaut étaient l’équipage anglais. Quant à Cametorte, sur une souche solitaire, il était le brick Spite qui devait être démâté, drossé à terre et incendié
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