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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne
Autoren: Robert Escarpit
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s’échouer. Un instant plus tard, un léger panache de fumée montant de l’épave montrait qu’un incendie s’était déclaré à bord.  
    Déjà, l’ Argonaute avait changé de cap et se dirigeait vers le vaisseau anglais. Le drapeau blanc de France monta au grand mât et la flamme du contre-amiral au mât d’artimon. C’était l’amiral Lemercier en personne qui devait avoir pris la dé cision de l’acte de guerre et donné l’ordre d’attaquer au capitaine d’Estaing. De son côté, l’Anglais avait hissé l’enseigne rouge, frappée de l’Union Jack.  
    Les deux navires convergeaient l’un vers l’autre à angle droit, s’éloignant de l’île vers le sud-est.  
    Ce fut l’Anglais qui ouvrit le feu à limite de portée avec deux salves, l’une des pièces de 24 du pont supérieur, l’autre des pièces de 32 du pont inférieur. A moins d’une demi-encablure de l’ Argonaute, la mer fut labourée de violents jaillisse ments blancs. Un boulet heurta le bordage en bout de course, faisant une échancrure dans le pavois. Hazembat vit son ami, le maître charpentier Pierre Rapin, dit Perrot, se précipi ter vers les lieux pour examiner l’avarie. De six ans plus jeune qu’Hazembat, Perrot était de Langon, lui aussi. Fils d’un riche maître de bateau, il avait servi au commerce comme lieutenant avant d’être enrôlé comme premier maître dans la marine de guerre.  
    L’ Argonaute prit son temps avant de répliquer par une seule salve. Il visait à démâter. Le grand hunier de l’Anglais partit en lambeaux. Quelques boulets enchaî nés firent des dégâts dans le gréement et emportèrent des hommes juchés sur les vergues.  
    Le vent avait fraîchi et la mer devenait clapoteuse. Les deux navires n’étaient plus séparés que par trois encablures, manœuvrant chacun pour essayer de passer derrière l’autre et de le prendre par son point le plus vulnérable. Il y eut encore quatre échanges de salves qui firent plus de dégâts sur l’ Argonaute que sur le Trojan dont on pouvait maintenant lire le nom, peint en lettres d’or sur la voûte d’arcasse. Hazembat aidait à nettoyer le pont des espars brisés et, plus d’une fois, il plongea les mains dans la bouillie rouge qui était tout ce qui restait d’un marin touché de plein fouet par un boulet. A l’avant, par bâbord, trente pieds de bordage avaient été emportés juste au-dessus de la ligne de flottaison, sur une largeur d’un pied. Perrot et ses hommes profitaient de ce que le commandant mainte nait la gîte à tribord pour aveugler la déchirure par laquelle entraient des paquets de mer, noyant une partie du premier pont où les canonniers tenaient à bout de bras les gargousses de poudre pour les empêcher de se mouiller.  
    L’ Argonaute et le Trojan étaient presque beaupré contre beaupré quand le capitaine anglais changea soudain de bord et, larguant ses huniers, s’apprêta à se glisser derrière son adversaire. Mais le capitaine d’Es taing avait prévu la manœuvre. Il vira lof pour lof, menaçant à son tour l’arrière de l’Anglais. Le change ment de gîte prit les charpentiers par surprise. Un homme, culbuté par la soudaine irruption de l’eau, fut emporté par le ressac à travers le trou encore ouvert, mais Perrot et ses compagnons réussirent à caler en force une planche de six pouces qui obstrua définitive ment la voie d’eau.  
    La salve de l’ Argonaute balaya le Trojan de poupe en proue, fauchant le mât de misaine. D’Estaing décrivit un cercle d’évitage, puis revint à l’assaut. L’Anglais changea encore de bord, manœuvrant difficilement, et, de nouveau, les navires se retrouvèrent beaupré contre beaupré, échangeant des bordées à bout portant. Des hunes, les soldats de marine entretenaient de part et d’autre un feu de mousqueterie meurtrier. Un instant, on crut qu’on allait en venir à l’abordage. Déjà des marins de l’ A rgonaute s’accrochaient aux filets de l’Anglais, tentant de les trancher à coups de sabre. Enflammé par leur furie, Hazembat saisit un taquet de tournage et se prépara à les rejoindre.  
    — Cessez le feu ! Tout le monde à bord !  
    Dans le silence soudain, on entendit encore deux coups de canon très clairs et Hazembat s’aperçut que le Resolute, battant la bannière étoilée, était venu se joindre au combat, harcelant l’Anglais de ses quatre pièces de 9.  
    Sur le gaillard arrière du Trojan, on voyait se
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