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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne
Autoren: Robert Escarpit
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    L’un après l’autre, Jantet et Bernard allèrent tremper leurs lèvres dans le verre de Hardit. Emoustillés, ils redemandèrent du vin.  
    — Suffit, dit Perrot. Demain, on calfate et on finit de réparer le bordage de l’ Aurore. Descendez préparer l’étoupe et le brai. Ensuite, vous irez à la Maison du Péage dire à Touton Tignous qu’il vienne demain matin, comme il m’a promis, m’aider à la menuise. Il a fait son apprentissage de charron : autant que ça serve à quelque chose !  
    Tignous, frère cadet de Perrot, était surnommé ainsi parce qu’il était entêté, chicaneur et près de ses sous. Il avait hérité du frère aîné la ferme du péage sur la Garonne.  
    Jantet et Bernard eurent tôt fait de rouler jusqu’à la cheminée du bas les tonnelets de résine et de ranger les balles d’étoupe près de la grande porte charretière. Puis ils se faufilèrent dehors et suivirent le chemin étroit qui contournait le Grand Port, franchissait le goulet du port des Carmes sur une passerelle branlante et débouchait sur le port des Chais, maintenant complètement à sec et séparé de la Garonne par un long banc de gravier.  
    Les chais étaient des baraques de planches étirées sur trois rangs, à quelque distance de la rive. Ils servaient aux bateliers d’entrepôt pour les marchandises en transit. Chose inaccoutumée, deux gendarmes, sabre au clair, montaient la garde sur la petite esplanade plantée d’ormeaux qui faisait face à la Garonne et qu’on appelait les Allées Marines. Il y régnait, ce soir-là, une agitation insolite.  
    Touton Tignous n’était pas à la Maison du Péage. Les enfants le cherchèrent parmi les groupes de promeneurs au bord de la rivière. Ils le trouvèrent en grande conversation avec le maire Etienne Roudié et le fils de François Labat, Angel, dit Capdemule.  
    Les trois hommes ne se ressemblaient guère. Etienne Roudié était un quadragénaire dont le teint rougeaud et la corpulence s’accommodaient mal de la perruque poudrée, du jabot de dentelle et des bas de soie par lesquels il tentait de se donner des airs d’aristocrate. Ancien régisseur des Marbotin, ce vigneron avait accumulé d’énormes biens fonciers assortis de droits de seigneurie. Nul n’ignorait qu’il ambitionnait l’anoblissement. De son côté, Angel Labat avait l’allure fière de son père. C’était un beau garçon d’un peu plus de vingt ans, dont les yeux sombres tournaient la tête de toutes les filles de Langon, ce qui l’entraînait dans des aventures qui n’étaient pas toujours du goût de Hardit.  
    Têtu et emporté, d’où son surnom de Capdemule, il avait de fréquentes querelles avec son père dont il ne partageait pas le penchant pour les vertus philosophiques. Quant à Tignous, l’oncle de Jantet, il avait la minceur des Rapin sans avoir la grâce vigoureuse de Perrot. A trente ans, il paraissait plus âgé que son aîné. Les trois hommes scrutaient la rive droite.  
    — Il paraît que les paysans de Pian se sont soulevés et ont molesté un contrôleur des gabelles, dit Tignous.  
    Roudié hocha la tête.  
    — Ce n’est pas moi qui pleurerai sur les malheurs d’un gabelou ! Mais, d’après ce que je sais, il y a des endroits où ils s’en sont pris aux châteaux. Et ça, c’est grave ! Si Saint-Macaire bouge, nous risquons le pire. Ces gens du Haut Pays ont la tête chaude !  
    — Donnez-moi une douzaine de fusils, Monsur Roudié, s’écria Capdemule, et avec mon équipage je me charge de les calmer !  
    — Si les brigands s’en mêlent, dit Tignous, il y faudra bien des canons !  
    Les brigands… Jantet et Bernard se regardèrent. Ce n’était donc pas une histoire de bonne femme. Jantet tira la manche de son oncle.  
    — Touton, papa te fait dire de penser à venir demain matin pour l’aider à la menuise. On répare le bordage de l’ Aurore.  
    —  Quoi, l’ Aurore ? Tu vois bien que j’ai autre chose à penser ! Dis à ton père que je viendrai si nous ne sommes pas tous massacrés d’ici là !  
    Un homme d’une soixantaine d’années s’approcha du groupe. Vêtu sobrement d’un habit de taffetas puce, il ne portait pas perruque sur ses cheveux blancs. Touchant son tricorne, il posa sur Etienne Roudié le regard calme et froid de ses yeux aux reflets métalliques.  
    — Monsieur le maire, dit-il, je vous présente mes devoirs.  
    — Soyez le bienvenu, monsieur Michelot,
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