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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne
Autoren: Robert Escarpit
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répondit Bernard, ce sont les basses eaux. Jusqu’en août, les matelots seront plus souvent à l’auberge que sur la rivière. Pouriquète m’a dit que son père a du mal à trouver des charpentiers.  
    — Qu’est-ce qu’elle en sait ? Elle n’a que huit ans et ce ne sont pas des affaires de filles. On va voir si notre barbeau est revenu ?  
    — Attends !… écoute…  
    La main levée, Bernard tournait la tête vers les coteaux.  
    — On dirait le tocsin.  
    — Oui, c’est quelque part au-delà de Verdelais. Je l’ai déjà entendu ce matin. Il doit se passer des choses. Les gens sont nerveux comme des poules clouques, ces jours-ci. Tante Rapinette dit que c’est la faute aux Etats Généraux.  
    — Mais qu’est-ce que c’est, les Etats Généraux, exactement ?  
    — Oh ! des histoires avec le Roi de Paris. L’abbé Lafargue a essayé de m’expliquer, mais je n’ai pas très bien compris. Tu n’as qu’à écouter le père Hardit : il en a plein la bouche.  
    — François Labat ? Tante Rapinette ne l’aime pas. Elle dit que c’est un… un franc-maçon…  
    — Je ne sais pas s’il est maçon ou charpentier, mais c’est un vrai maître de bateau, lui. Regarde son courau : il est déjà à flot. C’est son fils Capdemule qui se démène sur le tillac.  
    — Il a dû se faire houspiller. Lui, les filles, ça l’intéresse davantage que les bateaux !  
    — Tu sais que je l’ai vu l’autre jour dans les vergers des Capucins avec la fille de feu le comte de Marbotin ?  
    — Hé bé ! si la mère savait ça !  
    — C’est plutôt Hardit. Il n’aimerait pas beaucoup qu’un Labat fréquente la noblaille ! On va voir si le barbeau est revenu ?  
    Le barbeau n’était pas revenu. Un léger flot commen çait à s’établir, amortissant le faible courant de la rivière.  
    — Nous ferions mieux de rentrer. Tante Rapinette va encore faire un esclandre si nous sommes en retard pour le dîner.  
    Ils se levaient pour regagner leur plate, tirée à sec sur la grave, quand ils entendirent une rumeur de ahane ments et de piétinements sur le chemin de halage. Ils se hissèrent avec précaution sur la pente herbeuse et passèrent la tête entre les osiers. Une vingtaine d’hommes, de femmes et d’enfants marchaient sur le sentier défoncé. Chacun était lourdement chargé de paniers, de caisses et de sacs. L’air égaré, l’œil fixe, ils allaient, titubant sous le faix, sans regarder autour d’eux.  
    —  On vatz, monde ? cria Jantet.  
    Un homme le regarda sans paraître le voir, puis continua sa marche.  
    —  De qui s’en corretz ? Deu diable ?  
    Une grande bonne femme sèche lui cria par-dessus l’épaule :  
    —  Lo diable maudit sia, que’ns van gahar los brigans !  
    Los brigans… los brigans… Le murmure des voix épouvantées traîna comme un écho sur le chemin jusqu’au moment où le groupe disparut dans la pente d’un ruisseau asséché.  
    — Les brigands vont les attraper ? dit Jantet. Son pecs aqueth monde ! Ils sont fous ! Tu as entendu parler de brigands, toi ?  
    Pensifs, ils mirent la plate à l’eau et Hazembat godilla jusqu’à l’autre rive. En route, ils jouèrent au navire de haute mer, Jantet scrutant l’horizon de ses deux mains en lunette.  
    — Par un quart tribord, tante Rapinette à la fenêtre et par trois quarts bâbord, ton père et le mien qui sortent de l’auberge à Mingehort ! Souque, matelot ! Il faut arriver avant l’orage !  
    Prenant à peine le temps d’amarrer la plate à un piquet, ils se faufilèrent entre les ventres rebondis des couraus à sec. La Maison du Port se dressait au bord de l’eau, pied dans la vase. Le rez-de-chaussée était encombré d’apparaux et d’outils qu’on déménageait lors des inondations. Les Rapin habitaient au premier et les Hazembat au second. C’est chez eux qu’on se réfugiait lors des grandes crues.  
    L’étage que louait pour vingt livres par an à Jacques Hazembat son employeur et camarade Pierre Rapin était trop vaste pour lui, sa femme et ses deux enfants survivants : Bernard et Janote. A Langon, frères ou sœurs portaient souvent les mêmes prénoms pendant parfois deux générations. On les distinguait soit par un chafre, surnom plus ou moins moqueur, soit par un nom de casa qui avait des petits airs de noblesse. Mais, chez les Hazembat, on était Hazembat, sans plus, et la femme était Hazembate.
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