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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne
Autoren: Robert Escarpit
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PROLOGUE :
CHESAPEAKE
    Dans la soirée du 19 décembre 1777, l’ Argonaute , vaisseau de ligne de soixante-quatorze canons, commandé par le capitaine d’Estaing et portant la marque du contre-amiral Lemercier, remonta la baie de Chesapeake. A l’aube, il reconnut entre les grains la petite île où il avait rendez-vous avec le sloop américain Resolute pour transborder des munitions et des armes destinées aux insurgés qui se battaient contre les Anglais entre le Potomac et le Patapsco.  
    C’est alors que le gabier Jacques Hazembat, posté en vigie dans la grande hune, signala une voile par le bossoir bâbord à dix encablures de l’île. C’était un grand gaillard de vingt-sept ans, originaire de Langon, sur la Garonne, où il exerçait avec son père le métier de batelier. Inscrit maritime, il avait rejoint la marine de guerre deux ans auparavant, laissant à Langon sa femme Marie Paynaud qu’il n’avait revue que l’été précédent, lors d’une permission. Leur première fille était morte et ils avaient fait en sorte qu’il y eût un autre enfant lors de son retour.  
    Un aspirant vint le rejoindre dans la hune. Il braqua son télescope.  
    — C’est un brick anglais. Il n’est certainement pas seul. Continue à surveiller.  
    La France n’était pas encore entrée officiellement en guerre aux côtés des Américains, mais le marquis de La Fayette se distinguait déjà depuis plusieurs mois sous les ordres de Washington. L ’Argonaute, parti de Rochefort le 15 novembre, était un des navires envoyés pour ravitailler les colons révoltés.  
    De son perchoir, Hazembat distinguait, à travers les rafales de bruine glacée, le contour de l’île, avec ses deux promontoires verdoyants qui encadraient l’anse d’eau profonde où mouillaient les navires, invisibles de la côte. Il pouvait même deviner, par-dessus le promon toire sud, la double croix formée par la mâture du sloop américain. Ce dernier ne pouvait apercevoir le brick qui approchait de l’île par le sud-ouest.  
    Du pont montèrent les trilles des sifflets et les roulements des tambours sonnant le branle-bas. Le commandant fit mettre au plus près, tribord amures, et, gîtant par bâbord, grand-voile et perroquet cargués, l’ Argonaute mit le cap sur l’entrée de l’anse, prenant le parti d’ignorer l’Anglais.  
    Ce dernier, d’ailleurs, était en difficulté et paraissait avoir touché un haut fond. Il mit deux canots à la mer pour tenter de se déhaler, s’aidant de la marée mon tante.  
    Il semblait y parvenir quand Hazembat aperçut l’autre voile.  
    — Une voile par un quart bâbord arrière ! cria-t-il. C’est un trois-mâts !  
    L’instant d’après, l’aspirant était de nouveau à côté de lui, l’œil collé au télescope.  
    — C’est un vaisseau de ligne, probablement un soixante-quatorze !  
    Il enjamba la rambarde de la plate-forme et se laissa glisser le long d’un galhauban. Hazembat se demanda ce que l’amiral allait décider. Normalement, l’Anglais n’attaquerait pas le Français, mais entrer dans l’anse étroite était se livrer pieds et poings liés à ses canons s’il lui prenait fantaisie d’engager le combat, prenant prétexte de la présence de l’Américain. D’autre part, prendre le large, c’était laisser le Resolute à la merci du brick qui s’était maintenant dégagé et, faisant route vers l’entrée de la baie, se trouvait à un peu plus d’un mille de l’ Argonaute. Des commandements montèrent du pont.  
    — A changer les voiles ! A brasser en pointe par bâbord ! A larguer la grand-voile ! La barre dessous !  
    Glissant à son tour le long d’un hauban, Hazembat se trouva à son poste sur la grand-vergue. Ses doigts s’activèrent sur les ralingues et la voile se déploya avec un bruit de tonnerre.  
    L’ Argonaute évita le promontoire sud et fila ouest-sud-ouest parallèlement à la route du brick qui se trouvait maintenant par son travers tribord à un peu moins d’un mille.  
    — Sortez les canons par tribord ! Pare à tirer une bordée sur la remontée de la lame ! Feu !  
    L’ Argonaute frémit de toutes ses membrures dans un épouvantable fracas qui dura plusieurs secondes tandis que les trente-sept pièces faisaient feu chacune au mieux de sa portée. De la vergue, par-dessus l’épais nuage de fumée qui envahissait le pont, Hazembat vit le brick donner de la bande, puis dériver vers la terre et
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