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L'homme lesbien : Précédé de Tombeau de Merlin ou Jean Markale, poète de la celtitude

Titel: L'homme lesbien : Précédé de Tombeau de Merlin ou Jean Markale, poète de la celtitude
Autoren: Jean Markale
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Tristan, parce qu’il avait une immense estime pour le roi d’Irlande ( Marc’h en breton veut dire cheval et kalloc’h , entier), tandis qu’il méprisait Tristan en qui il voyait un jeune benêt. À force de fréquenter les héros de légendes, Jean Markale était devenu lui-même un personnage du Graal. Il s’identifiait volontiers aussi à Merlin. Cependant on a pu voir tour à tour en lui tous les personnages du cycle arthurien dont Lancelot et surtout Gauvain, le chevalier amoureux de la féminité, pour lequel il avait un faible, mais aussi Viviane et Morgane. Il évoluait parmi les chevaliers, les sorciers et les fées comme s’ils étaient des voisins en chair et en os, les aimait, se fâchait, les grondait, leur pardonnait, tissait des liens inattendus entre eux, ainsi qu’entre eux et nous. Intéressé par l’ésotérisme aussi, il jonglait avec les histoires, les sociétés secrètes médiévales, les combinait, rapportant tel mythe à tel autre, éclairant le monde contemporain à cette lumière. Cela, au point que tout le reste donnait parfois l’impression de servir à nourrir cette famille sinon réelle, surréelle.
    Obsédé par la mémoire ancestrale qui loge au-dessous du seuil de la conscience, Jean Markale a étudié longuement les mythes des cités englouties, avec l’idée que la ville d’Ys est en nous, et non sous la mer. Il recherchait les endroits traversés par des courants telluriques, portés par des forces magiques – endroits où l’humain, au cours des millénaires, a insufflé de l’esprit à la matière. Je le revois appuyé à un menhir, me disant combien dans ce symbole phallique qui représente la poussée de la terre vers le ciel il sentait vibrer ces points de rencontre entre le visible et l’invisible. L’érotisme était pareillement pour lui le haut lieu de la « déchirure absolue » où se rencontrent, sans voile aucun, le masculin et le féminin. Jean Markale a écrit sur le chamanisme. Le barde, héritier de Taliesin, était lui-même une sorte de chamane. Soucieux de l’interpénétration de mondes opposés, médiateur expliquant l’un par l’autre, il donnait du sens à chacun au fil de jugements toujours nuancés. Il me disait un jour   : « Plus je sais, moins je sais ».
    C’est que Jean Markale était un artiste. Il se définissait comme tel. D’une sensibilité aussi aiguë que délicate, il percevait en tout les moindres nuances. Toujours sur le qui-vive, guettant partout le merveilleux. Son allure singulière attirait les regards. Grand, mince, toujours habillé de noir. Les mains longues et fines. Il portait autour du cou un triskell en argent et son visage à l’ovale très sculpté était auréolé de cheveux longs et blancs   : – la chevelure et le collier sont les symboles de la divinité. Il n’ignorait pas la politique et sa violence, rappelant que les dieux, parce que tels, sont politiques aussi   ; mais il préférait la musique qu’au long du jour il écoutait dans son antre tapissé de livres. Il connaissait Wagner par cœur et je ne n’écoute jamais Parsifal sans entendre, comme en contrepoint, la sombre voix de Markale. Schubert l’émouvait beaucoup aussi, – le reposait des Walkyries.
    Le livre intitulé La Femme celte a été son livre fondateur et la Bible de nombre de Bretonnes. Flaubert disait   : « Madame Bovary, c’est moi. » Jean Markale disait   : « La femme celte, c’est moi. » Il avait fait chair en lui de la femme celte. « Il y a une distinction féminine en vous », avais-je dit spontanément la première fois que je l’ai vu. Et avec le temps, il avait pris l’allure non seulement d’un sorcier, d’une étonnante et vieille sorcière racée. Du reste il aimait travailler vêtu d’une robe ample. On songeait à quelque créature androgyne, sans âge parce que venue du fond des âges, habitant le monde des métamorphoses qu’est la Celtie. Jean Markale n’a pas eu d’enfants parce qu’il ne se sentait pas capable de soustraire à son labeur le temps nécessaire à l’éducation d’une progéniture   ; il a subordonné son existence à sa passion. En revanche, il a longtemps vécu entouré de chats – abandonnés et recueillis. Maurice Blanchot m’a écrit un jour que l’on ne choisit pas un chat, c’est lui qui vous choisit. Jean Markale a été choisi par neuf chats. Il fut un temps où les neuf évoluaient en même temps dans la petite maison au fond des bois.
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