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L'homme lesbien : Précédé de Tombeau de Merlin ou Jean Markale, poète de la celtitude

Titel: L'homme lesbien : Précédé de Tombeau de Merlin ou Jean Markale, poète de la celtitude
Autoren: Jean Markale
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Univers feutré où Jean Markale travaillait sans relâche au sein d’une nappe de fourrure mouvante, silencieuse ou ronronnante, qui lui parlait d’un monde de mystères et de prodiges.
    Markale aimait souligner que la Celtie dépasse infiniment la Bretagne. Outre que les Celtes se sont répandus dans toute l’Europe et qu’il a écrit des livres sur les Cathares, les Celto-Ligures, les Templiers…, la Celtie était d’abord pour l’écrivain un espace mental qu’il définissait par l’ouverture et la métamorphose. Parce que sa douce agonie a duré plusieurs jours, je ne puis m’empêcher de penser que, les yeux clos mais ouverts sur une vision – les yeux clos, disait-il, expriment un regard intérieur –, Jean Markale se sera vu aborder le nemeton ou clairière sacrée des Celtes   ; qu’il aura sinon apprécié, tenté d’apprécier l’interpénétration de la vie et de la mort   ; qu’il aura sinon saisi, tenté de saisir le passage d’un monde à l’autre et ce moment magique où le jour et la nuit se rencontrent   ; qu’il aura appréhendé l’ intervalle sacré qui fut l’objet de sa passion   ; et que le frère de Perceval aura touché quasi du doigt enfin le Graal cherché et entrevu sa vie durant. « La porte est en dedans », dit une inscription au-dessus de la porte de la petite église qu’il affectionnait au cœur de Brocéliande.
    Mi-Breton, mi-Irlandais, Jean Markale disait aimer, pour leur tendresse et leur gentillesse, les Irlandais plus encore que les Bretons   ; il rappelait avec malice le nombre de prix Nobel chez les Irlandais et se sentait proche de Synge et de Yeats. Il goûtait chez Hugo et Shakespeare le « désenchantement préhistorique » lié à l’énergie « positivante » des vagues de lamentation. Préférant l’épaisseur et l’humanité du roi Lear à la maigreur et à l’inhumanité du Dépeupleur , il avait horreur de Beckett dont le minimalisme lui paraissait exagérément réducteur et noircissant. Il adorait Joyce, au contraire, dont l’écriture foisonnante, haute en couleurs, faite de rajouts, d’éclats, renvoyait au lecteur une lumière fabuleuse. C’est qu’attaché au merveilleux, Jean Markale voyait en Joyce un surréaliste, un écrivain capable d’amener le surréel à damer le pion au réel au sein même de la réalité la plus triviale. Le surréalisme était, selon lui, d’origine celtique   ; il aimait du reste souligner que c’est à l’initiative des surréalistes que l’on s’est intéressé en France aux richesses intellectuelles et artistiques autres que latines et grecques, la tradition celtique étant jusqu’alors occultée par une indifférence séculaire.
    Ce qui animait Jean Markale   : la sympathie entre l’homme et le cosmos. L’horreur, enchanteresse malgré tout. Le rêve, capable de s’incarner. Le vrai et le faux qui se confondent dans une réalité seconde. La jubilation dans la mélancolie. Le souci du gracieux dans la détresse. Aran, île fortunée, contre vents et marées. Le rire celtique. La générosité. Les couleurs. Les images   : le symbolisme, c’est-à-dire l’insolite dans l’accoutumé. Bref, une tonalité mythologique qui s’oppose au nihilisme.
    Jean Markale était un homme de la forêt, non de la mer. Nous avons passé des heures à défendre chacun ses amours (j’aime la mer, plus que la forêt qui m’inquiète, et j’aime Beckett). Je l’écoutais dire combien la forêt est une réserve de mystères et de merveilles et combien les Bretons ont depuis la nuit des temps un contentieux avec la mer   : avec l’ armor – avec la mort. Il évoquait les chevaliers du Graal lançant, pour vaincre la mortelle ennemie, leur javelot dans la mer.
    Jean Markale n’a pas été le premier à travailler sur la mémoire des Celtes et à fouiller leur mythologie, mais le premier, il a donné une vie organique à la celtitude. Il a fait une synthèse vivante de récits multiples et souvent contradictoires. Il n’avait guère de goût pour la sècheresse de travaux universitaires   ; des chercheurs lui ont du reste parfois reproché son lyrisme et une interprétation fantaisiste de l’épopée celtique et de la tradition médiévale. C’est qu’un poète va au-delà d’une lecture rationaliste du monde, et un homme hors normes tel que Jean Markale ne peut être jugé selon les critères coutumiers d’une société dite raisonnable. Il n’avait guère plus de goût pour le
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