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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste
Autoren: Hervé Gagnon
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comme d’autres Gisors avant moi. De toute mon âme, j’ai cru à sa cause, dit-il. Longtemps, j’ai été fidèle, même si je ne comprenais pas pourquoi on nous imposait cette posture un peu ridicule. Avec mes frères et mes sœurs, j’ai veillé sur ce temple sans savoir où se trouvait la seconde part, comme on nous l’avait ordonné. J’ai attendu que quelqu’un vienne un jour prendre charge des documents que Baroche avait cachés. Et attendu, et attendu encore.
    —    Jusqu’au jour où on t’a offert mieux, crachai-je.
    —    Disons que, petit à petit, j’ai perdu la foi. Ne me demande pas comment, mais Arnaud Amaury a appris que la seconde part se trouvait à Gisors. Voilà environ deux ans, un de ses messagers m’a remis une proposition de sa part. Non seulement étais-je mûr pour la prendre en considération, mais je n’étais pas en position de la refuser. Il exigeait que je lui remette les documents, faute de quoi le roi Philippe me déposséderait de mes terres. Au début, j’ai cru qu’il s’agissait d’une simple bravade. Puis j’ai fait quelques vérifications discrètes et, effectivement, tout était arrangé. Le décret n’attendait plus que la signature de Sa Majesté.
    Il haussa ses maigres épaules dans un geste d’impuissance.
    —    Que pouvais-je faire ? Gisors appartient à ma famille depuis des générations. Je n’allais pas être celui qui perdrait notre fief. Je n’en avais pas le droit !
    Il ponctua cette affirmation d’un coup de paume coléreux sur le bras de son fauteuil avant de poursuivre.
    —    Au bout du compte, reprit-il, dans le monde qui est le nôtre, un tien vaut toujours mieux que deux tu l’auras. Alors j’ai accepté. Pour l’honneur de mon nom, mais aussi par cupidité. À mon âge, je ne pouvais pas m’imaginer passer du jour au lendemain de seigneur à manant. Toutefois, comme tu le sais, même en trahissant l’Ordre, il m’était impossible de donner ce que je n’avais pas. Cette seconde part, il fallait d’abord la trouver. Les pourparlers avec Amaury et Montfort ont été longs. J’ai cherché comme un fou. J’ai retourné toute la forteresse. Je n’ai rien trouvé. Amaury a même envoyé ses propres hommes, sans plus de succès. Parmi eux se trouvait l’abbé Guillot.
    —    Si j’avais su ce qu’avait dit le CancellariusMaximus, j’aurais trouvé ! intervint pompeusement le gros moine, le doigt en l’air. Il ne me manquait que cela !
    —    Monseigneur le légat s’est donc rendu à l’évidence et un nouveau plan a été élaboré : prendre possession de l’Ordre, en espérant qu’un jour quelqu’un nous révélerait l’emplacement de la Vérité.
    Le vieil homme se tut et son regard se perdit quelque part, très loin, probablement dans un passé où il était encore un homme honorable. J’aurais voulu lui tenir rigueur de ses actes, mais l’ancien seigneur en moi comprenait qu’il ait agi tant par calcul politique que pour préserver son nom et ses terres.
    Ce que je venais d’entendre me confirmait par contre ma pire crainte : je ne pouvais pas suffire à la tâche et combattre sur deux fronts en même temps. Depuis le début de ma quête, Amaury et Montfort avaient été actifs dans le Nord comme dans le Sud. Alors même qu’ils tentaient de s’emparer de la première part entre Quéribus et Montségur, et que Raynal contribuait à leurs basses œuvres au cœur même de l’Ordre, ils avaient mis au point un plan parallèle concernant l’autre part. Ils n’étaient pas que des brutes sanguinaires. Ils savaient aussi planifier et être patients. Ils avaient été plus fins que moi.
    Visiblement content de lui-même, Pierrepont reprit le récit là où Jehan l’avait laissé.
    —    Le plus difficile a été d’éliminer discrètement les membres de l’Ordre, dit-il. Ceux qui ne faisaient que passer par Gisors de temps à autre ont simplement « cessé de s’y rendre ». Ceux qui y vivaient en permanence ont « disparu » ou sont morts de leur belle mort, un peu aidés par le poison. Comme l’existence des Neuf était secrète, il a suffi, par la suite, de prendre leur place. Sire Jehan nous a enseigné les us et coutumes de l’Ordre pour que nous puissions jouer notre petite comédie. Puis nous avons attendu que tu découvres le chemin vers Gisors. La suite des choses, tu la connais. Tu as retrouvé pour nous ce qui était perdu.
    Pierrepont prit le suaire et l’examina
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