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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste
Autoren: Hervé Gagnon
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l’oreille le nom de mon cher Lambert. Il ne restait qu’à attendre que tu suives la piste, en espérant que tu parviennes à retrouver la seconde part pour mon père. Et te voilà parmi nous, à genoux, les mains liées. J’ai bien peur que, grâce à toi, l’Ordre des Neuf ne soit désormais obsolète, Magister.
    À ces mots, tous s’esclaffèrent. Le fait d’apprendre que j’avais été manœuvré par Guy, alors que je croyais moi-même le manipuler, était pire que tout le reste. Je vis rouge et essayai de bondir sur mes pieds pour écharper le petit fot-en-cul, avec mes dents s’il le fallait, mais un coup de pied dans les reins m’en dissuada. Je posai les yeux sur Pierrepont. Si du feu avait pu en sortir, il aurait été consumé à l’instant même.
    —    Tu es satisfait ? m’écriai-je de toutes mes forces pour couvrir les rires. Tu m’as expliqué comment on m’a roulé dans la farine ! Tu t’es bien moqué de moi ! Tu possèdes les documents et le suaire ! Tu as vaincu ! Tue-moi maintenant ! Tu en meurs d’envie !
    —    Te tuer ? Mais pas du tout. Le sire de Montfort désire ardemment les documents, c’est vrai, mais il tient presque autant à te revoir vivant et exige que tu lui sois livré. Il a une mission à te confier.
    Interloqué, je le toisai sans rien dire. Peu importait l’enjeu, jamais je ne passerais au service de Simon de Montfort. Je préférais mourir dans mille tourments et il ne l’ignorait certainement pas.
    —    Il exige que tu te rendes à Montségur pour récupérer la première part et que tu la lui ramènes.
    Ce fut à mon tour de rigoler.
    —    Et pourquoi ferais-je cela ?
    —    Oh, je ne sais pas, moi. Peut-être pour sauver la vie de tes compagnons ? Dame Pernelle, Ugolin et Jaume seront ramenés avec toi à Carcassonne, où je remettrai la seconde part à sire Simon, et ils y resteront, alors que toi, tu te dirigeras vers Montségur. Pendant ton absence, ils serviront de monnaie d’échange au cas où tu déciderais de jouer double jeu. Tu as la parole de Simon de Montfort que leur vie sera épargnée et qu’ils seront libérés dès que tu auras ramené la première part à Carcassonne et que tous les documents seront entre les mains de Monseigneur le légat.
    —    La parole de Montfort sort tout droit du trou de son cul, l’injuriai-je.
    —    Cela reste à voir. Tu as compris, par contre, que, pour ta part, il n’est question ni de liberté ni même de survie. En plus des documents, ta vie sera le prix à payer pour la leur.
    Je ne daignai même pas réagir à ses paroles. J’avais déjà compris que je n’en sortirais pas vivant. Mais au moins, si je ne livrais pas la première part à Montfort, je pourrais trouver quelque consolation dans le fait que je n’avais pas entièrement failli à ma mission. Si l’éternité en enfer en était le résultat, elle serait plus tolérable. En outre, je connaissais l’Ordre des Neuf et la loyauté qu’il exigeait de ses membres. Certes, Raynal avait été une pomme pourrie dans le panier, mais les autres étaient sans faille. Esclarmonde, Eudes, Jaume, Peirina, Véran, Pernelle et Ugolin étaient droits comme des chênes. Ravier, Montbard, la pauvre Daufina, que j’avais si mal jugée, l’avaient été, eux aussi. Aucun ne renierait sa parole, ni pour épargner la vie d’un autre, ni pour sauver la sienne. Ils étaient engagés jusqu’à la mort. Ils accepteraient sans broncher d’être sacrifiés pour me permettre de protéger ce qu’il restait de la Vérité en sachant que je ne reviendrais jamais de Montségur.
    En croyant que je sauverais la vie de Pernelle, d’Ugolin et de Jaume, Pierrepont commettait une erreur de calcul. J’y laisserais la vie, certes, mais le plan de Montfort venait de tomber à l’eau. Par acquit de conscience, je consultai mes compagnons du regard. Les trois me répondirent en hochant solennellement la tête, l’air déterminé, confirmant ce que je pensais. Je me retournai vers le traître et ne pus m’empêcher de lui sourire.
    —    Leur vie n’a aucune importance, pauvre sot. Le jour de leur initiation, ils ont juré de la vouer à la protection de la Vérité. M’est avis que le levier que tu croyais tenir bien en main vient de t’échapper. Tu peux ramener la seconde part à Montfort si le cœur t’en dit, mais il n’aura jamais la première. Il restera toujours un fragment de preuve.
    Pierrepont me toisa avec mépris et
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