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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste
Autoren: Hervé Gagnon
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lui, vous aussi, ajouta Pierrepont. Je dois donc me priver du plaisir de vous occire maintenant. Heureusement, il est quelqu’un dont la vie a un plus grand prix aux yeux du preux Magister des Neuf de Montségur. Une personne pour laquelle il bravera tous les dangers et trahira ce qu’il y a de plus sacré.
    Pendant que l’angoisse recommençait à me triturer les entrailles, il fouilla dans une petite pochette à sa ceinture et en sortit un parchemin qu’il déplia avec pompe. Puis il vint se planter devant moi et le brandit à quelques doigts de mon visage. Je le lus et une lourde chape froide m’enveloppa.
    Gondemar
    Si tu lis ceci, c’est que mon fils, Guy, et sire Alain se sont emparés de ta personne et qu’ils détiennent la seconde part de ce que vous autres, hérétiques, appelez si pompeusement la Vérité. Te connaissant, j’imagine qu’on t’a transmis mes ordres et que tu les as rejetés du revers de la main, même au prix de la vie d’autrui. Je n’en attendais pas moins de toi. Nous sommes pareils : notre mission a préséance sur tout le reste.
    Tu comprendras cependant que Sa Sainteté Innocent III souhaite ardemment qu’on lui remette dans les plus brefs délais l’ensemble des documents qui lui causent tant de soucis. J’entends le satisfaire. Aussi, dès que les troupes seront prêtes à entreprendre leur quarantaine, tu accompagneras de ton propre accord sire Alain de Pierrepont jusqu’à Carcassonne. Là, tu me jureras fidélité. Tu te rendras à Montségur pour y récupérer les documents qui sont conservés dans le temple des Neuf et tu me les rapporteras.
    Pour m’assurer ta collaboration, j’ai cru bon de m’emparer de la très noble personne de demoiselle Cécile de Foix, à laquelle, dit-on, tu voues une affection toute particulière. Tu seras sans doute heureux d’apprendre qu’elle porte le fruit de votre fornication. À la moindre incartade de ta part, je les tuerai tous les deux.
    Simon, seigneur de Montfort-l’Amaury, comte de Leicester, vicomte d’Albi, de Béziers et de Carcassonne
    Le 11 février 1212 A.D.
    Incapable d’assimiler ce que je venais d’apprendre, je relus la lettre encore et encore. Montfort frappait la seule faiblesse de ma cuirasse. Pernelle et Ugolin m’étaient chers, certes, mais je pouvais accepter de les perdre en sachant que, par fidélité, ils avaient volontairement choisi la mort. Mais pas Cécile. Elle n’était pas des Neuf. Son rôle dans toute cette histoire avait été secondaire. Une simple messagère, désignée dès son enfance par sa tante Esclarmonde. Elle ne devait pas le payer de sa vie. Pire encore, à moins que Montfort ne mente, elle portait notre enfant. Lorsque j’avais quitté Toulouse, Roger Bernard m’avait promis de veiller sur sa sœur. Il avait échoué. Elle était entre les mains de l’ennemi et je savais les bassesses auxquelles cet animal était capable de se livrer pour atteindre ses buts. Il me tenait fermement par les génitoires. Pour Cécile, je sacrifierais tout, même mon salut. Le comte de Toulouse avait dû le lui apprendre, et maintenant il l’utilisait contre moi.
    Pierrepont reprit le parchemin et le remit dans sa ceinture. Puis il sortit autre chose de sa pochette.
    —    Sire Simon m’a conseillé de te montrer ces objets pour appuyer ses dires, au cas où tu douterais de sa parole. Tu les reconnais ?
    —    Oui, dis-je d’une voix étranglée.
    Dans le creux de la grosse main calleuse gisait une mèche de cheveux blonds identiques à ceux dont était confectionné l’anneau que je portais à l’annulaire droit, et une bague en argent portant la croix cathare, la croix templière et les lettres C et M.
    Je baissai la tête.
    —    Je ferai ce que tu demandes, laquais, dis-je d’une voix à peine audible.
    —    Gondemar ! Non ! cria Pernelle, horrifiée.
    —    Ah ! Je savais que tu pouvais être raisonnable ! s’écria Pierrepont avant de remettre la mèche et la bague dans sa pochette.
    Il se retourna vers Thury.
    —    Qu’on les mette dans des cachots séparés jusqu’à ce que nos préparatifs soient terminés, ordonna-t-il.
    On nous empoigna fermement pour nous relever et on nous poussa vers la sortie. Avant de franchir le seuil, je me retournai pour jeter un ultime regard sur ce temple où la trahison avait régné en maître - celle de Jehan de Gisors puis la mienne. Car pour sauver Cécile, je devrais renier mon serment et trahir les Neuf. Je
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