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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste
Autoren: Hervé Gagnon
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venais de me condamner moi-même à la damnation éternelle, mais le sacrifice en valait la peine.
    Lorsque j’arrivai dans la salle des gardes, encadré par Thury et un de ses hommes, Pernelle et Ugolin gisaient, inconscients, sur le sol. J’allais protester lorsqu’un coup s’abattit sur ma nuque et me fit sombrer dans la nuit.
    J’étais au cachot, allongé sur une paillasse. La pièce était dépourvue de fenêtres et il y faisait si noir que je ne pouvais même pas voir le bout de mon nez. On ne m’avait ni nourri ni désaltéré, mais je n’en avais cure. Une partie de moi espérait qu’on me laisserait croupir dans cet endroit jusqu’à y pourrir. Ainsi, je n’aurais pas à trahir. Mais je savais bien que cela était impossible. Montfort m’attendait. Je frissonnais d’horreur en imaginant ce qu’il pouvait faire subir à ma tendre Cécile et à l’enfant à naître.
    Une clé grinça dans la serrure et la porte s’ouvrit. Une silhouette entra, un bougeoir dans une main et une bible dans l’autre. La porte était basse et l’homme dut se pencher. Il portait une bure dont le capuchon lui cachait le visage. Il s’approcha de moi, s’agenouilla près de la paillasse sur laquelle j’étais allongé et posa le bougeoir sur le sol. Il mit la bible sur ses cuisses et la feuilleta.
    Réalisant qu’il s’agissait d’un confesseur qui allait me lire la Bible avant de m’admonester pour mes nombreux péchés, je m’assis brusquement sur ma paillasse, terrifié à l’idée que ma gorge allait se serrer jusqu’à m’en faire perdre le souffle.
    —    Tais-toi ! lui ordonnai-je.
    —    Ne crains rien, mon fils. Dieu souhaite que Sa parole vienne jusqu’à toi.
    Un peu rassuré, je me détendis. L’Église chrétienne était peut-être une immonde fausseté, mais les mots du Créateur demeuraient purs et j’étais heureux de les entendre. Peut-être y trouverais-je un peu de réconfort. Le confesseur se pencha sur ses pages.
    —    Livre du prophète Isaïe, chapitre quarante-deux, versets un à quatre, annonça-t-il : « Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui mon âme se complaît. J’ai mis sur lui mon esprit, il présentera aux nations le droit. Il ne crie pas, il n’élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue ; il ne brise pas le roseau froissé, il n’éteint pas la mèche qui faiblit, fidèlement, il présente le droit; il ne faiblira ni ne cédera jusqu’à ce qu’il établisse le droit sur la terre, et les îles attendent son enseignement. »
    Ma gorge n’eut aucune réaction. Je me raidis en entendant le reproche qui m’était explicitement adressé, moi qui avais sciemment renoncé à obéir à l’ordre reçu de Dieu lui-même.
    —    Livre du prophète Isaïe, chapitre cinquante-neuf, verset quatorze, continua le confesseur : « On repousse le jugement, on tient éloignée la justice, car la vérité a trébuché sur la place publique, et la droiture ne trouve point d’accès. »
    Il me laissa quelques instants pour absorber cette nouvelle gifle et tourna quelques pages avant de reprendre.
    —    Livre du prophète Isaïe, chapitre soixante-cinq, verset quinze : « La vérité a disparu ; ceux qui s’abstiennent du mal sont dépouillés. Yahvé l’a vu, il a jugé mauvais qu’il n’y ait plus de jugement. »
    Toujours penché sur le livre saint, l’homme se mit à ricaner doucement. Peu à peu, son rire enfla jusqu’à remplir toute la pièce. Il renversa la tête vers l’arrière et en échappa sa bible. Je restai là, interdit, essayant de comprendre ce qui se passait. Il lui fallut plusieurs minutes pour se calmer. Lorsqu’il y fut parvenu, il ramassa le livre et le bougeoir, se remit debout, tourna la tête vers moi et rabattit son capuchon.
    Dans la lumière de la bougie, les cheveux blancs de Métatron semblaient être de feu. Ses yeux brillaient d’une lumière malfaisante. Son visage asexué se durcit et il pointa l’index vers moi.
    —    Réfléchis bien à ce que tu entends faire, damné, tonna-t-il de cette voix qui me figeait toujours de terreur. Dieu t’a offert une chance de salut, mais Sa patience atteint ses limites.
    Je me levai d’un trait et lui fis face.
    —    Le choix entre le salut et la damnation reste le mien, rétorquai-je. Libre à moi de l’exercer et d’en assumer les conséquences, même si je dois passer l’éternité en enfer.
    Pour la première fois depuis mon
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