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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste
Autoren: Hervé Gagnon
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pour moi. Pernelle ne fut pas exemptée et j’eus la distincte impression que Thury prenait plaisir à serrer ses liens assez fort pour lui tirer un rictus de douleur. Lorsque vint le tour d’Ugolin, il fut interrompu par Pierrepont.
    —    À double tour pour celui-là.
    Réduit à l’impuissance, je me maudissais intérieurement de ne pas avoir suivi ma première idée. J’avais eu le sentiment que les Neuf de Gisors avaient pu trahir la cause de la Vérité, mais les événements s’étaient enchaînés et avaient émoussé ma méfiance. Je m’étais retrouvé dans le temple au milieu d’eux et ils avaient fini par me convaincre de leur sincérité. Avec leur aide, j’avais cherché la seconde part. L’un d’eux nous avait même accompagnés dans la cathédrale secrète et sa contribution à notre succès avait été importante. Ils avaient tous joué la comédie. Leur unique but avait été de retrouver la Vérité pour s’en emparer. Simon de Montfort et Arnaud Amaury étaient sans doute derrière tout cela. Et j’étais tombé dans le panneau comme le dernier des imbéciles. La situation semblait sans issue.
    Lorsque nous fûmes tous attachés, on nous força à nous agenouiller sur le dallage en damier, en ligne à côté de l’autel.
    —    Comment as-tu pu trahir ainsi, toi, un Magister ? proférai-je, la furie tendant les nerfs de mon cou comme des câbles de navire. N’as-tu donc aucun honneur ? Tu as juré sur ta vie de protéger la Vérité !
    —    Moi ? ricana Pierrepont. Mais je n’ai rien juré du tout, mon ami. Dieu m’en préserve ! Pour cela, il aurait d’abord fallu que j’appartienne à votre petit Ordre.
    Je restai là, médusé. Comment pouvait-il prétendre ne pas être des Neuf alors qu’il en connaissait parfaitement l’histoire, les rituels et les usages ? Pire encore, il avait su, avant même de les lire, ce que contenaient les documents retrouvés dans la chapelle. Il n’avait ignoré que l’existence du suaire, comme chacun de nous.
    Il s’approcha de moi, le sourire aux lèvres.
    —    Jouons aux devinettes, Gondemar, ricana-t-il. Tu veux bien ?
    D’un grand geste, il désigna les autres traîtres.
    —    Hormis toi-même, dame Pernelle, Ugolin et Jaume, une seule personne dans ce temple fait réellement partie des Neuf. Peux-tu trouver laquelle ? Thury, Guiburge, Jehan ou Guillot ?
    Malgré l’humiliation que cela me causait, je ne pus résister à l’envie de les dévisager à tour de rôle en repassant ce que je savais d’eux. Guiburge ne tenait la taverne que depuis peu. Un des soldats s’en était plaint lorsqu’elle avait mis ses clients dehors avant de me fondre dessus. Sa présence récente l’éliminait d’emblée. Dans la cathédrale souterraine, Guillot s’était souvent signé. Ce que j’avais cru attribuable à un reliquat d’une chrétienté encore mal oubliée n’avait été que le réflexe d’un prêtre qui professait toujours la foi des croisés. Et puis, ne faisait-il pas brûler ceux qui ne partageaient pas ses vues religieuses ? Seuls les vrais chrétiens faisaient une telle chose.
    Restaient Thury et Jehan. Je savais que, jusqu’à tout récemment, Lambert avait été aux côtés de Montfort dans le Sud, alors que l’autre était seigneur de Gisors depuis trente ans. Jehan avait été témoin de la visite du frère Baroche. Et lui seul avait été ému au point de vouloir tenir dans ses mains la lettre de Joseph d’Arimathie. Mon regard accusateur se fixa sur le vieil homme et, s’il avait été d’acier, il l’aurait transpercé mille fois.
    —    Sale traître ! m’écriai-je. À combien as-tu établi le prix de ton âme ?
    Mal à l’aise, il fit une grimace qui lui chiffonna le visage puis se mordilla les lèvres. Dans son attitude, je crus lire du regret. Mais ses yeux, eux, ne trahissaient que le froid calcul d’un seigneur aguerri aux choses politiques.
    —    J’ai vécu longtemps, Gondemar, finit-il par dire d’une voix éteinte. Trop longtemps. Les années émoussent les beaux principes comme elles le font du tranchant d’une lame que l’on n’entretient pas. Un vieil homme en arrive toujours à comprendre que le nerf de la guerre se trouve dans le compromis, pas dans le combat. La survie exige des choix difficiles.
    Il laissa errer dans le temple un regard chargé de nostalgie.
    —    J’ai été reçu dans l’Ordre des Neuf alors que j’étais encore un jeune homme,
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