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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance
Autoren: James Fenimore Cooper
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continua M. Wharton toujours occupé avec sa fille, mais s’interrompant un instant, sans y faire attention, dans l’attente d’une réponse.
    – Dit-on qu’il en soit question ? dit M. Harper, évitant de faire une réponse directe, et prenant jusqu’à un certain point le ton d’indifférence affectée de son hôte.
    – Oh ! on ne dit rien de bien particulier, répondit M. Wharton, mais, comme vous le savez, Monsieur, il est naturel de s’attendre à quelque chose, d’après les forces que Rochambeau vient d’amener. Harper ne répliqua que par un mouvement de tête, qui semblait annoncer qu’il partageait cette opinion. M. Wharton renoua l’entretien en disant :
    – On a plus d’activité du côté du sud ; Gates et Cornwallis paraissent vouloir décider la question.
    Le voyageur fronça les sourcils, et un air de mélancolie se peignit un instant sur son front ; son œil étincela un moment d’un rayon de feu qui annonçait une source cachée de sentiment profond ; mais à peine la plus jeune des deux sœurs avait-elle eu le temps d’en remarquer et d’en admirer l’expression, qu’elle se dissipa, et fit place à ce calme habituel qui était le caractère distinctif de la physionomie de l’étranger, et à cet air de dignité imposante qui est une preuve si évidente de l’empire de la raison.
    La sœur aînée fit un ou deux mouvements sur sa chaise avant de se hasarder à dire d’un ton presque de triomphe :
    – Le général Gates a été moins heureux avec le comte Cornwallis qu’avec le général Burgoyne.
    – Mais le général Gates est Anglais, Sara, dit sa jeune sœur avec vivacité. Et rougissant jusqu’au blanc des yeux d’avoir osé se mêler à la conversation, elle se remit à son ouvrage, espérant qu’on ne ferait aucune remarque sur son observation.
    Le voyageur avait successivement tourné les yeux sur chacune des deux sœurs tandis qu’elles parlaient, et un mouvement presque imperceptible des muscles de sa bouche avait annoncé en lui une nouvelle émotion.
    – Oserai-je vous demander, dit-il à la plus jeune du ton le plus poli, quelle conséquence vous tirez de ce fait ?
    Frances rougit encore davantage à cet appel direct fait à son opinion sur un sujet dont elle avait imprudemment parlé en présence d’un étranger ; mais, se trouvant obligée de répondre, elle dit, après avoir hésité quelques instants et non sans balbutier un peu :
    – Oh ! Monsieur, aucune. Seulement ma sœur et moi nous différons quelquefois d’opinion à l’égard de la prouesse des Anglais. Elle prononça ces paroles avec un sourire expressif qui annonçait autant d’innocence que de candeur, et qui répondait aux sentiments cachés de celui qui venait de lui parler.
    – Et quels sont les points sur lesquels vous différez ? demanda Harper, répondant à son regard animé par un sourire d’une douceur presque paternelle.
    – Sara regarde les Anglais comme invincibles, et je n’ai pas tout à fait la même confiance en leur valeur.
    Le voyageur l’écouta de cet air d’indulgence satisfaite qui aime à contempler l’ardeur de la jeunesse unie à l’innocence ; mais il ne répondit rien, et fixant ses yeux sur les tisons qui brûlaient dans la cheminée, il retomba dans sa première taciturnité. M. Wharton s’était inutilement efforcé de découvrir quels étaient les sentiments politiques de son hôte. Il n’y avait rien de repoussant dans la physionomie de M. Harper, mais on n’y voyait rien de communicatif : il était évident qu’il se tenait sur la réserve. On vint avertir que le souper était servi, et le maître de la maison se leva pour passer dans la salle à manger, sans connaître ce qui était le point important du caractère de son hôte, dans les circonstances où se trouvait le pays. M. Harper offrit la main à Sara Wharton, et ils sortirent ensemble du salon, suivis de Frances un peu inquiète de savoir si elle n’avait pas blessé la sensibilité de l’hôte de son père.
    L’orage était alors dans toute sa force, et la pluie qui battait avec violence contre les murailles de la maison faisait naître dans le cœur de tous les convives ce sentiment de satisfaction naturel à l’homme qui jouit de toutes ses aises, à l’abri des inconvénients auxquels il aurait pu se trouver exposé, quand on entendit frapper plusieurs coups à la porte. Le vieux nègre y courut et revint presque aussitôt annoncer à son
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