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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance
Autoren: James Fenimore Cooper
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de l’intérieur, enhardies par le voisinage des troupes continentales, laissaient percer leurs opinions révolutionnaires et le droit qu’elles avaient de se gouverner elles-mêmes. Cependant bien des gens portaient un masque que le temps n’a pas même encore fait tomber : tel individu est descendu dans le tombeau, accusé par ses concitoyens d’avoir été l’ennemi de leur liberté, tandis qu’il avait été en secret un des agents les plus utiles des chefs de la révolution : et d’une autre part, si l’on faisait une perquisition bien exacte chez tel patriote qui semblait soutenir les droits de son pays avec le zèle le plus ardent, on y trouverait une sauvegarde royale cachée sous un monceau de guinées anglaises.
    Au bruit de la marche du noble coursier que montait le voyageur, la maîtresse de la ferme devant laquelle il passait alors ouvrit avec précaution la porte de sa demeure pour regarder cet étranger, et peut-être détournait-elle la tête pour communiquer le résultat de ses observations à son mari qui, placé dans la partie de derrière du bâtiment, se disposait à chercher, si le cas l’exigeait, l’endroit où il se cachait ordinairement dans les bois voisins. La vallée était située vers le milieu de la longueur du comté, et était assez proche des deux armées pour que la restitution de ce qui avait été volé ne fût pas un événement rare dans ces environs. Il est vrai qu’on ne retrouvait pas toujours les mêmes objets, mais à défaut de justice légale, on avait recours en général à une substitution sommaire, qui rendait le montant de ses pertes à celui qui les avait éprouvées, avec une assez bonne addition, pour l’indemniser de l’usage temporaire qu’on avait eu de ce qui lui appartenait.
    Le passage d’un étranger dont l’apparence avait quelque chose d’équivoque, et monté sur un coursier qui, quoique ses harnais n’eussent rien de militaire, offrait quelque chose de la tournure fière et hardie de son cavalier, donna lieu à diverses conjectures parmi les habitants de quelques maisons qui étaient à le regarder, et excita même un sentiment d’alarme dans le cœur de quelques-uns, à qui leur conscience donnait une inquiétude plus qu’ordinaire.
    Éprouvant quelque lassitude par suite de l’exercice qu’il avait pris pendant une journée de fatigue inusitée, et désirant se procurer sans délai un abri contre la violence croissante de l’orage, dont de grosses gouttes d’eau chassées par le vent commençaient à changer le caractère, le voyageur se détermina, comme par nécessité, à demander à être admis dans la première maison qu’il trouverait. L’occasion ne se fit pas attendre longtemps, et franchissant une barrière délabrée, il frappa fortement, sans descendre de cheval, à la porte d’une habitation dont l’extérieur était fort humble. Une femme de moyen âge, dont la physionomie n’était pas plus prévenante que sa demeure, se présenta pour lui répondre. Épouvantée en voyant, à la clarté d’un grand feu de bois, un homme à cheval si inopinément près du seuil de la porte, elle la referma à moitié, et avec une expression de terreur mêlée d’une curiosité naturelle lui demanda ce qu’il voulait.
    Quoique la porte ne fût pas assez ouverte pour qu’il fût possible de bien examiner l’intérieur de la maison, le cavalier en avait vu assez pour que ses yeux empressés essayassent encore de pénétrer dans les ténèbres pour chercher une demeure dont l’aspect promît davantage. Ne pouvant en apercevoir, ce fut avec une répugnance mal déguisée qu’il fit connaître ses désirs et ses besoins. La femme l’écouta avec un air de mauvaise volonté évident, et avant qu’il eût fini, elle l’interrompit avec un ton de confiance renaissante en lui disant avec aigreur et volubilité :
    – Je ne puis dire que je me soucie de loger un étranger dans ces temps difficiles. Je suis seule à la maison, ou, ce qui est la même chose, il n’y a que mon vieux maître avec moi. Mais à un demi-mille plus loin sur la route, il y a une grande maison où vous serez bien reçu, et sans rien payer même. Cela vous conviendra mieux et à moi aussi, parce que, comme je l’ai déjà dit, Harvey n’y est point. Je voudrais qu’il suivît mes avis et qu’il cessât de courir le pays ; il est à présent en passe de faire son chemin dans le monde ; il devrait discontinuer sa vie errante et devenir plus
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