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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance
Autoren: James Fenimore Cooper
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l’éclat de la jeunesse, et les roses, qui appartiennent si éminemment aux belles du West-Chester, brillaient sur leurs joues, et donnaient à leurs yeux d’un bleu foncé, cet éclat si doux qui indique l’innocence et le bonheur. Toutes trois avaient cet air de délicatesse qui distingue le beau sexe de ce pays, et de même que le vieillard montraient par leurs manières qu’elles appartenaient à une classe supérieure.
    Après avoir offert à son hôte un verre d’un excellent vin de Madère, M. Wharton reprit sa place près du feu, un autre verre à la main. Après un moment de silence, comme s’il eût consulté sa politesse, il leva les yeux sur l’étranger, et lui demanda d’un air formel :
    – À la santé de qui vais-je avoir l’honneur de boire ?
    L’étranger s’était également assis, et avait les yeux fixés sur le feu, tandis que M. Wharton lui parlait. Les levant lentement sur son hôte, avec un regard qui semblait lire dans son âme, il répondit en le saluant à son tour, tandis qu’un léger coloris se répandait sur ses joues pâles.
    – M. Harper.
    – Eh bien ! monsieur Harper, reprit le maître de la maison avec la précision formelle du temps, je bois à votre santé, et j’espère que vous ne souffrirez aucun inconvénient de la pluie que vous avez essuyée.
    Une inclination de tête fut la seule réponse qu’obtint ce compliment, et M. Harper parut se livrer entièrement à ses réflexions.
    Les deux sœurs avaient repris leur ouvrage, et leur tante, miss Jeannette Peyton, s’était retirée afin de veiller aux préparatifs indispensables pour satisfaire l’appétit d’un voyageur qui n’était pas attendu. Il s’ensuivit quelques instants de silence, pendant lesquels M. Harper semblait jouir du changement de sa situation. M. Wharton le rompit le premier pour demander à son hôte du même ton poli mais formel, si la fumée du tabac l’incommodait, et ayant reçu une réponse négative, il reprit la pipe qu’il avait quittée lors de son arrivée.
    Il était évident que M. Wharton désirait entrer en conversation ; mais il était retenu, soit par la crainte de se compromettre devant un homme dont il ne connaissait pas les opinions, soit par la surprise que lui causait la taciturnité affectée de son hôte. Enfin, un mouvement que fit M. Harper en levant les yeux sur la compagnie qui était dans la chambre, l’encouragea à reprendre la parole.
    – Il m’est difficile à présent, dit-il en évitant d’abord avec soin les sujets de conversation qu’il désirait amener, de me procurer la qualité de tabac à laquelle j’étais accoutumé.
    – J’aurais cru, dit M. Harper avec sa gravité ordinaire, qu’on aurait pu en trouver de la première qualité dans les boutiques de New-York.
    – Sans doute, répondit M. Wharton en hésitant, et en levant d’abord sur son hôte des yeux que le regard pénétrant de celui-ci lui fit baisser aussitôt, on ne doit pas en manquer dans cette ville ; mais, quelque innocent que puisse être le motif de nos communications avec New-York, la guerre les rend trop dangereuses pour en courir le risque pour une semblable bagatelle.
    La boîte dans laquelle M. Wharton avait pris de quoi remplir sa pipe était ouverte à quelques pouces du coude de M. Harper, qui en choisit une feuille et la porta à sa bouche d’une manière fort naturelle, mais qui remplit d’alarme sur-le-champ son compagnon. Cependant, sans faire l’observation qu’il était de première qualité, le voyageur soulagea son hôte en retombant dans ses réflexions ; et M. Wharton, ne voulant pas perdre l’avantage qu’il avait gagné, reprit la parole en faisant un effort de vigueur plus qu’ordinaire.
    – Je voudrais de tout mon cœur, dit-il, que cette guerre contre nature fût terminée, et que nous n’eussions plus que des amis et des frères.
    – Rien n’est plus à désirer, dit Harper avec emphase, en fixant encore ses yeux sur le visage de son hôte.
    – Je n’ai entendu parler d’aucun mouvement important depuis l’arrivée de nos nouveaux alliés, dit M. Wharton en secouant les cendres de sa pipe, et en tournant le dos à l’étranger, sous prétexte de recevoir un charbon de sa fille.
    – Je crois que rien n’est encore parvenu aux oreilles du public, dit Harper en croisant les jambes de l’air du plus grand sang-froid.
    – Croit-on qu’on soit à la veille de prendre quelques mesures importantes ?
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