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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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combattre l’hérésie et faire abjurer leur foi à ces hérétiques !
    Il se dirige vers sa tente personnelle et y disparaît. Désemparé, Stranieri regagne l’enclos où frère Yong a garé leur charrette. De dépit, il ramasse une pierre et la jette au loin, puis il ôte ses riches habits, ouvre un coffre et renfile sa robe de moine.
     
    Grâce aux exhortations de Paunac et de frère Dominique, le soir, autour du camp, les tensions se sont calmées, l’ordre est revenu. La majorité des « bons hommes » et des « bonnes femmes », conduits par leurs Parfaits, et la plupart des catholiques avec leurs moines sont repartis sur la route, à bonne distance les uns des autres pour éviter toute confrontation. Yasmina et Constance ont sermonné Amaury et sa bande. Touvenel s’est joint à elles pour essayer de convaincre le jeune homme que le temps était maintenant à la réflexion et au pardon. Qui pourrait prévoir en effet le parti auquel profiterait une explosion ? ont tenté de le persuader les deux femmes.
    La lueur des flammes du foyer autour duquel ils sont tous rassemblés fait danser une expression d’anxiété sur le visage de Touvenel. Tandis que Yasmina s’affaire à touiller le ragoût de fèves, de panais et de poissons qui mijote dans une grande marmite, il considère avec inquiétude Amaury, absorbé dans ses réflexions, accroupi entre eux deux, les mains nerveusement croisées comme s’il ne faisait déjà plus partie de leur monde. Soudain, le jeune homme se lève et jette un regard vers les garçons de Savignac réunis autour d’un autre feu, un peu plus loin. Constance s’étonne :
    — Où vas-tu ?
    — Il faut que je leur parle. Je reviens.
    — Tu ne manges pas ?
    — Commencez sans moi.
    Il s’éloigne. Yasmina échange un regard étonné avec Constance, qui l’encourage d’une mimique à ne pas réagir. La jeune femme darde des yeux mécontents vers son fiancé, assis près des autres jeunes. Elle revient vers sa marmite, goûte une cuillerée du ragoût et déclare qu’il est prêt.
    —  Benedicite parcite nobis !
    Constance récite à mi-voix la seule prière en usage dans la religion cathare, puis coupe la miche et en distribue des tranches à Yasmina et Touvenel. Deux ombres s’insinuent entre eux.
    — Nous aimerions bien partager le pain des hérétiques. Accepteriez-vous notre présence ?
    Tous trois se retournent. Stranieri se tient devant eux, avec frère Yong. Sur un signe complice de Constance, les deux hommes s’assoient. Constance leur tend une tranche de pain, et leur montre la louche pour qu’ils se servent. Stranieri la prend et puise dans la marmite une portion de ragoût qu’il étend sur le pain de Yong avant d’en faire autant sur le sien.
    — À en juger par ta mine, tu n’as pas réussi à faire revenir Castelnau sur son excommunication, constate le chevalier.
    — Castelnau est un homme d’un autre temps. Mais je n’ai pas épuisé tous mes moyens. Demain, j’irai rejoindre le comte, à Toulouse. Il me l’a demandé et semble prêt à poursuivre des discussions.
    Touvenel le dévisage, intrigué.
    — Des discussions, toi ! Mais nous diras-tu enfin qui tu es ? Troubadour ? Moine ? Prélat ? Noble ? Conseiller ? Soldat ? Tu sembles pouvoir librement parler avec tous, petits ou grands, seigneurs ou manants, nobles ou prélats. Tu raisonnes comme un savant, tu te bats comme un guerrier. D’où tiens-tu ces talents ? Qui te protège ?
    Stranieri affiche un air modeste, l’œil malicieux.
    — Tu me surestimes grandement, chevalier. Mais je te remercie quand même pour tous ces compliments.
    — Cesse de faire des mystères et réponds. Je t’ai vu aussi à l’aise avec Gasquet qu’avec Castelnau ou Raymond VI. Explique-moi comment ils peuvent te tolérer l’un et l’autre et au même moment.
    — C’est que je suis sans préjugé, répond Stranieri avec un air moqueur. Vous pouvez le constater, puisque je partage votre nourriture. Cela ne veut pas dire pour autant que je sois adepte de votre religion.
    — Tu l’es donc de la catholique, alors ?
    — Parfois oui, parfois non. Parfois d’aucune des deux. Parfois seulement plus ou moins. Parfois des deux à la fois.
    Touvenel, Constance et Yasmina échangent des regards mi-amusés, mi-agacés.
    — Est-ce que tu ne te perds pas un peu, au milieu de tous tes paradoxes ? lui demande Constance.
    Le regard ironique de Stranieri s’égare dans les flammes
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