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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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et si puissant peut-il, loin du tumulte du grand fleuve, abriter l’image du bonheur, tandis qu’un désastre inévitable se prépare pour demain, que nul ne pourra désormais arrêter ? À part Dieu, peut-être ? Mais Stranieri ne croit plus qu’il existe quelque part une volonté supérieure à celle des hommes. Pourquoi continue-t-il alors à servir l’Église catholique et romaine ? Un frisson le parcourt, à l’idée que le monde est vide de Dieu. Toutes les espèces, animales, végétales, et même l’espèce humaine, seraient-elles depuis la nuit des temps livrées à elles-mêmes, seules et sans contrôle ? En lutte perpétuelle pour arracher de la griffe, de la dent ou de la pointe d’une épée, un lambeau de vie aux autres ? Même la mousse ou le lierre s’enroulent autour du chêne pour lui sucer la sève. Stranieri a déjà ressenti, en traversant de simples forêts, cette odeur de meurtre ininterrompu qui l’a toujours glacé d’effroi. Il faut un ordre, décidément, pour empêcher le chaos. Et, pour l’instant au moins, qui pourrait le mieux l’assurer qu’un pouvoir spirituel indépendant des passions humaines ? Car il est impossible de faire confiance à la sagesse des hommes, et mieux vaut encore supporter l’autorité d’une Église catholique forte et organisée, même si certains de ses membres sont corrompus, qu’accepter l’anarchie qu’entraînerait le champ libre laissé aux hérésies ou aux luttes de pouvoirs de ces grands fauves jamais repus que sont les empereurs, les rois, les seigneurs, et tous les humains en général. Il en est sûr à présent, Lotario doit penser la même chose que lui.
    Il ne peut s’empêcher de parler pour lui-même :
    — Innocent III ne pourra accepter le meurtre de son légat sans réagir. On accusera le comte de Toulouse de l’avoir commandité.
    Touvenel et Constance l’ont entendu. Ils le regardent, interrogatifs.
    — Si tu es un personnage aussi important que tu le parais, pourquoi ne le rejoins-tu pas à Toulouse, comme il te l’a proposé ? suggère le chevalier. Tu pourrais essayer de le convaincre de faire pénitence. Une contrition publique empêcherait peut-être la guerre.
    Stranieri n’a pas besoin de réfléchir longtemps pour l’admettre, mais il hoche la tête :
    — Il ne l’acceptera jamais. Ce serait reconnaître sa responsabilité. Non, mes amis, je crains que le meurtre de Pierre de Castelnau ne sonne pour longtemps le triomphe d’une vérité unique.
    — Laquelle ? demande Constance.
    — Je n’en sais rien. Espérons seulement qu’il reste encore une chance que ce ne soit pas aux armes d’en décider.
    Comme Touvenel et Constance insistent encore pour une dernière tentative auprès du comte, en vantant son esprit d’ouverture et de conciliation, Stranieri prend sa décision.
    — Il faut que je parte. J’ai d’autres chemins à suivre.
    — Bien malin qui devinera vers où, s’amuse Constance.
    — Pour l’instant, je vais retrouver mon cher Yong. Nous passerons le Rhône avec le cortège du légat et nous le suivrons jusqu’à Beaucaire pour nous protéger des brigands et des routiers.
    — Et ensuite ?
    — Ensuite ? répète-t-il.
    Il fait mine de réfléchir, puis :
    — C’est Dieu qui décidera.
    Constance et Touvenel ont compris qu’ils ne sauront jamais rien de plus sur leur compagnon. Le chevalier lui donne l’accolade, et Constance l’embrasse.
    — Alors, que Dieu te garde, faux moine ou faux troubadour !
    Stranieri lève un doigt en l’air.
    — Goûtons ces instants de paix, écoutez !
    Des maigres buissons qui parsèment les rives sableuses s’échappent des trilles et des pépiements. Les chants d’oiseaux éclatent, se répondent et se multiplient. Au bord du fleuve des colonies d’aigrettes avancent élégamment sur leurs hautes pattes. Un héron prend son envol dans un long déploiement d’ailes, tandis qu’un léger vent porteur d’arômes les enveloppe de sa douceur. Tous trois ferment les yeux, à l’unisson avec une nature qui leur fait oublier un moment le monde des hommes, son bruit et sa fureur. Leurs poitrines se gonflent d’un sentiment de plénitude et la sensation d’un bonheur possible les envahit. Spontanément, de chaque côté de Constance, Touvenel et Stranieri saisissent l’une de ses mains, formant ensemble un maillon d’amitié dont ils souhaiteraient prolonger la durée indéfiniment.
    Mais ce bonheur n’est que de
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