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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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votre tolérance, notre Église rende grâce au Diable et à ses suppôts ?
    — C’est décidément plus fort que vous, ironise le comte. Votre tempérament vous pousse toujours à l’invective, au lieu de chercher à comprendre.
    — Vous me répétez cela depuis que je suis sur vos terres et que j’essaie d’y ramener la vraie religion.
    — Je le répète parce que vous-même ne cessez de proférer des insultes.
    — Si vous m’aviez soutenu, il n’y aurait eu de ma part nulle insulte.
    — Je ne le crois pas. Chaque homme a son tempérament, et le vôtre vous porte au conflit.
    — Pour la dernière fois, comte, vous devez vous soumettre à l’autorité de Rome, qui parle par ma bouche.
    — Me soumettre ? Et pourquoi ? Je reconnais à l’Église l’autorité spirituelle, pas la temporelle.
    — Dans ce cas, je ne puis lever l’excommunication lancée contre vous. Attendez-vous aussi à ce que le pape vous juge bientôt comme hérétique, avec toutes les conséquences que cela impliquera.
    Raymond VI s’étrangle de colère.
    — Quelles conséquences ?
    — Vous le savez aussi bien que moi.
    — Je veux l’entendre de votre bouche.
    — La mise en proie de votre domaine.
    — Vous oseriez ?
    — Le Saint-Père en a le pouvoir. S’il le décide, il me le déléguera, et je la prononcerai sans hésitation.
    C’en est trop pour Raymond VI. Il saisit le légat par sa robe et l’attire violemment contre lui. Castelnau ne réagit pas. Il le laisse approcher du sien son visage furieux. Stranieri, sentant que la dispute va dégénérer en rixe, se précipite pour les séparer.
    — Allons, messeigneurs ! Allons !
    Les deux hommes reprennent conscience de sa présence. Raymond VI fait effort sur lui-même et lâche la robe du prélat.
    — Ton intransigeance te perdra, Castelnau.
    — C’est une menace, monsieur le comte ?
    — Une prédiction, monsieur l’ambassadeur.
    Les deux hommes s’affrontent de nouveau du regard. Raymond VI finit par hausser les épaules et par tourner le dos. Le légat jette un regard furieux à Stranieri et lui fait signe de le suivre hors de la tente.
    — J’aurais dû me douter que cette tentative était vouée à l’échec, murmure-t-il. Elle n’a servi qu’à nous humilier davantage, et à travers nous, la Sainte Église.
    — Notre sainte Église en a vu d’autres, elle saura s’en remettre, réplique Stranieri à voix basse.
    En se retrouvant à l’extérieur, les deux hommes se figent devant le spectacle auquel ils sont confrontés. La plus grande confusion règne dans l’assistance massée autour de l’estrade. Des gardes de l’escorte de Castelnau poursuivent des jeunes cathares. Certains d’entre eux leur lancent des pierres. Stranieri aperçoit parmi eux Amaury et quelques énergumènes de Savignac. Partout, on se dispute, on s’empoigne entre catholiques et « bons hommes », sans que ni frère Dominique, ni Philippe de Paunac qui vont d’un groupe à l’autre ne parviennent à calmer les esprits.
    Raymond VI sort à son tour de sa tente de commandement :
    — Je ne resterai pas un instant de plus, légat ! Je n’ai rien à faire, ni à dire à un homme qui me menace et prétend me dicter la conduite de mon domaine !
    Entouré de sa garde personnelle, il se dirige vers son cheval et monte en selle. Stranieri court derrière lui pour essayer de le retenir. Le comte l’arrête d’un geste.
    — Toi, l’« envoyé spécial », rejoins-moi à Toulouse, si tu le veux ! Tu me parais moins borné que cet arrogant légat. Peut-être parviendras-tu à m’écouter et à faire comprendre les particularités de ce pays à Innocent III ? Auparavant, vois déjà si tu ne peux pas ramener à la raison ce butor de Castelnau. Et songe à ce que je t’ai proposé.
    Tournant bride, aussi fier qu’il est venu, il repart avec son escorte, sous les acclamations des « bons hommes » et des « bonnes femmes », aussitôt suivi des vicomtes, des barons et des nobliaux qui l’accompagnaient. Ce mouvement de départ calme d’un seul coup l’exaltation de la foule et les affrontements. Malgré les bannières qui flottent au vent, les jongleurs de mots se taisent et les musiciens rangent leurs instruments. Stranieri, désappointé, revient vers Castelnau. Le légat, glacial, l’apostrophe :
    — Il n’y a vraiment que toi et frère Dominique pour croire encore que ce fourbe pourra un jour se ranger à nos côtés,
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