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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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j’en entends dire du bien
    J’écoute en souriant et pour un mot
    J’en demande cent
    Tel est le plaisir que j’en ai
    Stranieri se surprend à chantonner cette strophe, bien qu’il ne joue plus son rôle de troubadour. Il a si souvent changé ses apparences et confondu ses personnalités qu’il lui arrive de se demander s’il est toujours moine et s’il s’appelle bien « frère Stranieri », collaborateur privilégié du Saint-Père. Il se plaît décidément de plus en plus dans cette culture occitane, qui le charme par son élégance et son originalité, son érudition et toutes les civilités dans lesquelles baignent l’œuvre et la vie des troubadours.
    Pourtant, la longue colonne de chevaliers qui soulève la poussière de la plaine de Camargue et les chants qui l’accompagnent devraient modérer sa bonne humeur :
    Grand guerre fait d’un comte un seigneur
    Pour quoi me plaît bien des rois voir la pompe
    Qu’ils aient besoin de pieux, cordes et pommeaux
    Et soient les tentes dressées pour camper dehors
    Ah ! nous rencontrer par milliers et centaines
    Qu’après nous on en chante la geste
    Et nous avons grande allégresse
    Quand en campagne rangés
    Nous voyons chevaliers et chevaux armés
    Car Raymond VI arrive en grande pompe au camp dressé sur les rives du petit bras du Rhône. Son escorte cavalière de vicomtes et de nobles venus de toute l’Occitanie avec trompes et tambours, bannières, enseignes et penons, produit grand effet. Comme à chacune de ses apparitions publiques, les populations l’acclament, l’assurent de leur amour, lui témoignent leur soutien. Devant lui, les têtes se lèvent, les poings se ferment, les femmes présentent leurs enfants à bout de bras. Partout, ses gens lui réclament aide et protection contre les exactions des intégristes de la foi, la dîme réclamée par les évêques, et toutes les vexations qu’ils considèrent comme une oppression et un viol de leurs âmes. Ils réclament surtout vengeance contre Pierre de Castelnau, le représentant de plus en plus détesté de l’Église de Rome. Cathares ou pas, hommes ou femmes, vieillards ou enfants, tous comptent désormais sur leur seigneur pour vivre comme bon leur semble et surtout chasser les « Latins » du pays.
    Au pas lent de sa monture, Raymond VI parcourt le camp afin que tous, ecclésiastiques ou paysans, clercs ou nobliaux, bourgeois ou artisans, puissent juger de sa majesté, de sa puissance et de son autorité. Devant la tente la plus vaste et la plus luxueuse, d’un geste haut de la main, il ordonne à sa troupe de s’arrêter et aux cavaliers de mettre pied à terre. « Il n’est toujours pas temps d’affronter ce seigneur ! » pense Stranieri avec un soupçon d’admiration pour ce comte qui ose ainsi défier le pape et ses envoyés. L’espion de Rome sent bien qu’à la moindre menace contre son peuple, sûr de son soutien, le comte de Toulouse n’hésitera pas à prendre les armes pour le défendre.
    Au lieu de la sévère robe de moine qu’il portait un mois plus tôt à Fontfroide, Stranieri s’est plu à revêtir un riche habit ecclésiastique brodé d’or et relevé d’hermine. Ce qui doit avoir lieu ici, à Saint-Gilles, vaut bien en effet qu’il porte un costume à la hauteur de l’événement. Car c’est grâce à son entremise que Raymond VI a accepté de s’entretenir avec Pierre de Castelnau et d’autoriser une ultime controverse sur son territoire entre cathares et catholiques, avec les mêmes participants que ceux qui figuraient à l’abbaye de Fontfroide : frère Dominique et ses moines cisterciens, Philippe de Paunac et ses Parfaits. Seul l’évêque d’Osma, malade et fatigué, a quitté le Languedoc pour rentrer en Aragon.
    Bertrand de Touvenel, remis de ses blessures grâce aux soins attentifs de Constance, est venu, habillé lui aussi d’un brillant costume de chevalier, en compagnie de sa dame, pour assister à cet événement qui pourrait être d’une importance capitale pour l’avenir des pays d’Oc. Yasmina a tenu à les suivre avec Amaury. Cette fois, Philippe de Paunac a laissé son fils assister à la joute oratoire, satisfait qu’il lui ait obéi la dernière fois en ne venant pas à Fontfroide et qu’il ait mis un frein à ses instincts de va-t-en-guerre.
    Voyant son amant caresser nerveusement le pendentif à la pierre verte qui étincelle au soleil sur le blanc de sa tunique, Constance ne peut s’empêcher de lui
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