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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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demander :
    — Vivras-tu toujours dans tes souvenirs, mon ami ?
    Et, comme il la regarde d’un air sombre :
    — Le passé est mort, c’est d’avenir qu’on va parler ici, celui du monde des vivants.
    Se pressant contre lui, elle le prend par l’échancrure de son bliaud et l’attire contre elle.
    — Regarde-moi plutôt, chevalier. Je suis la vie, moi ! Et, comme tous nos frères, je crois dans un monde meilleur.
    Touvenel finit par lui sourire.
    — Je te l’accorde, mon aimée, tu me combles de vie. Mais je sais que l’histoire se répète et je crains que tout ce qui vit soit perpétuellement condamné à la guerre.
    Il se souvient d’une déclaration du comte de Toulouse avant son départ pour la dernière croisade : « Quand je revêts mon double grand haubert, et ceins l’épée que m’a donnée mon père, la terre croule partout où je passe. Il n’est point d’ennemi, si hautain soit-il, qui ne me laisse la route ou le sentier, tant on me craint quand on entend mon pas ! » Ces paroles orgueilleuses et si sûres d’elles l’avaient séduit à l’époque. Mais, aujourd’hui, tant d’orgueil face à l’intransigeance de Castelnau ne lui laisse rien présager de bon pour cette entrevue de la dernière chance.
    La foule, massée autour de la vaste estrade montée au centre du camp, suit avec attention les représentants des cathares et des catholiques, des Parfaits et des moines, pendant qu’ils s’y rassemblent en bon ordre. Un jury de cinq hommes prend place entre les deux parties. Ils sont chargés d’arbitrer les débats et de juger de la pertinence des arguments de chacun, avant de décider du vainqueur de la joute théologique. Dans un souci de clarté, afin que chacun puisse comprendre, il a été décidé que les débatteurs n’utiliseraient ni citations latines ni mots trop savants, et qu’ils parleraient en langue vulgaire.
    Stranieri, au lieu d’assister au débat, se dirige vers la tente de commandement gardée par des hommes d’armes, tandis que Constance et Touvenel rejoignent les rangs des spectateurs. Yasmina, quant à elle, ne s’écarte pas d’un pouce d’Amaury, qui lui semble, malgré de nouvelles recommandations de son père, aussi agité que les jeunes gens de Savignac avec lesquels il est venu.
    — Pourquoi regardes-tu cette tente ? s’étonne-t-elle.
    — Parce que j’y ai vu pénétrer ce moine, qui s’est dit aussi troubadour. Je le trouve tout à coup bien somptueusement vêtu.
    — Et en quoi cela te concerne-t-il ?
    — Notre comte y est avec deux de ses chevaliers. C’est un signe qu’il doit se passer des choses d’importance derrière ces murs de toile, des choses qui nous concernent.
    — Celles qui nous concernent, mon aimé, vont se passer ici. Il convient de les voir et de les écouter, réplique Yasmina en l’entraînant vers l’estrade.
    Le plus âgé des membres du jury se place face au public, à un pas du bord de la tribune, de façon que chacun puisse le voir. Sur un signe de lui, Philippe de Paunac et frère Dominique s’avancent. Le vieil homme tend son bras droit à l’horizontale, le poing fermé sur deux brins de paille qui en dépassent. Frère Dominique et Paunac en tirent chacun un et les lui remettent. Le vieil homme les compare, puis regarde les deux débatteurs.
    — Philippe de Paunac, le représentant du camp de ceux qui se nomment cathares, a tiré le plus petit. À lui donc de commencer.
    — On veut voir ! crient des voix dans l’assistance.
    — Pas de filouterie ! La preuve ! réclament d’autres.
    Le vieux sage brandit les deux brins au-dessus de lui et les montre au public.
    — À ma main dextre, la plus courte, celle de messire Philippe de Paunac. À aucun moment, je n’ai pu les mélanger.
    Un murmure de déception parcourt les rangs des cathares massés derrière les Parfaits, tandis que la joie se lit sur les visages des moines du camp catholique. Tous savent que celui qui avance ses arguments en premier s’expose à la réflexion du second et à une concluante riposte. Le président reprend :
    — Les deux parties ont accepté de débattre sur le thème suivant : les Évangiles autorisent-ils le recours à la violence pour extirper le Mal de notre monde ? Je rappelle aux orateurs qu’ils ne doivent pas s’éloigner du sujet choisi pour cette dispute.
    Paunac ne prend qu’un instant pour consulter les Parfaits, installés sur le côté gauche, et recueillir leur
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