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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée)
Autoren: Pierre Miquel
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capitulation de Reims et de Berlin, et d’occuper ensuite l’Allemagne. Mais Staline s’était opposé à ce qu’un Français fût admis à Yalta, puis à Potsdam. Oubliée, la grande France de 1918. Elle avait été balayée par la Seconde Guerre, réduite au statut de puissance secondaire, heureuse de s’intégrer, avec l’Allemagne croupion de Bonn, à la petite Europe des Six. Quelle chute pour ces deux puissances, qui jadis dominaient le monde et l’Europe par le rayonnement de leur civilisation.
    Deux guerres mondiales semblaient avoir eu raison, pour toujours, de l’indépendance de l’Europe. En 1918, les charges de la guerre avaient réduit la France et l’Angleterre à restreindre au plus juste leurs ambitions mondiales. L’Europe de la SDN, abandonnée par l’Amérique, guettée comme une proie par l’URSS et ses partis frères, avait sécrété le fascisme et l’hitlérisme pour répondre à la crise et au communisme, et les empires coloniaux étaient secoués par les convulsions révolutionnaires en Asie, en Inde et jusqu’en Afrique du Nord. L’Europe de 1945 ne parviendrait pas à rétablir ses positions mondiales : l’Empire français était voué à la destruction et l’Angleterre perdrait les Indes. Le Pacifique, après la défaite du Japon, deviendrait un océan américain.
    Il reste que le conflit cinquantenaire de la guerre froide, conséquence de Yalta et de Potsdam, permettait à deux nouvelles puissances d’affleurer : la Chine de Mao Zedong, capable de tenir tête aux États-Unis dans les deux grands conflits du Sud-Est asiatique, et l’Europe miraculée des Trente Glorieuses, qui découvrait dans le neutralisme une voie nouvelle d’influence. Adenauer et de Gaulle feraient le voyage de Moscou, avant Willy Brandt. Les deux Allemagne créées en 1949 par les « blocs » antagonistes étaient chacune réarmée, même si elles ne retrouvaient pas leur souveraineté. Les officiers de la RFA pouvaient admirer dans le hall de l’école militaire de Hambourg les drapeaux à croix noire sauvés à Tannenberg lors de l’avance des Soviétiques.
    Le retour gaulliste de 1958 avait donné à penser aux Français, premières victimes des deux guerres, qu’ils pouvaient devenir la quatrième puissance économique mondiale en gardant leur indépendance. La France avait-elle, en 1945 comme en 1918, une sorte de droit d’exception à la reconnaissance du monde ? N’avait-elle pas été, par l’invasion de 1914 et les morts de la Première Guerre, la première victime de l’impérialisme européen qu’elle avait, disait-on aussitôt, contribué à déchaîner ? N’avait-elle pas été presque la seule, avant l’Angleterre héroïque de Churchill et la Pologne abandonnée, à résister au déferlement des chars ? À quoi pouvait-elle prétendre, disait en 1945 Staline, puisqu’elle avait été vaincue ?
    La contestation allemande des responsabilités de la guerre inscrites dans le traité de Versailles s’affirmait dans les années 20, et dans le but bien établi d’abolir les clauses de Versailles, contre le pays victime, volontiers dénoncé à tout le moins comme complice de l’affrontement impérialiste. L’élimination physique de l’espace France en 1945 rendait ses efforts de guerre négligeables par les deux puissances dominantes, au point de faire oublier le double sacrifice d’un pays qui avait voulu affirmer, à deux reprises, son indépendance, dans un continent que cherchait à dominer un impérialisme incomparablement plus puissant. La revendication gaulliste d’une exception française visait à rétablir l’équilibre. Elle ne cesserait d’être combattue, dénoncée comme une résurgence du vieil impérialisme, en particulier dans sa politique d’armement atomique. Mais cette contestation ne pouvait éliminer le fait que les Français avaient bien été les premiers, quelles que fussent les motivations de leurs dirigeants, à être sacrifiés presque seuls au début des deux guerres cruelles jusqu’à lancer leurs forces vives dans la fournaise, sans pouvoir jamais retrouver leur jeunesse disparue.
    L’Allemagne de Bonn et le Japon, puissances vaincues et moralement condamnées en 1945, avaient fait la preuve, par leur redressement encore plus spectaculaire, et plus rapide que celui de la France, bien qu’elles fussent alors tenues au désarmement presque total (limitation qui devait servir paradoxalement leur nouvelle expansion), que la
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