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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée)
Autoren: Pierre Miquel
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triomphe pour engager le marathon de l’honneur retrouvé. Au départ, le 11 novembre 1940, toute manifestation à Paris était interdite par l’occupant. Pourquoi les Français célébreraient-ils une victoire sur l’Allemagne, alors que Hitler avait signé l’armistice dans le wagon de Rethondes pour effacer l’humiliation du 11 novembre 1918 ? Seuls les Allemands pouvaient défiler désormais sur les Champs-Élysées.
    Un général virtuel, parlant de Londres à la BBC, surnommé par les Anglais le « général micro », prétendait incarner la revanche. Les jeunes lycéens qui manifestaient, deux gaules sur l’épaule, et traçaient sur les murs la croix de Lorraine à la craie bravaient l’interdit et indiquaient les limites du renoncement.
    Ils étaient virtuellement les fragiles héritiers des poilus de Verdun, de ceux qui disaient : ils ne passeront pas ! Quelques salves de mitraillette avaient eu raison d’eux. Mais ils avaient établi le lien moral entre la France résistante de Verdun et le groupe insurgé de Londres. De Gaulle ne s’y était pas trompé. « L’opinion, écrit-il, était à la passivité. » Pourtant « la manifestation des étudiants de Paris […] donnait une note émouvante et réconfortante [136]  ».
    Le souvenir de 1918 existe-t-il seulement à Londres ou dans les rues de Paris ? Il anime aussi les premiers groupes de résistants, les officiers de l’armée comme Henri Fresnay qui cherche des compagnons parmi les galonnés débarquant d’Afrique dans le port de Marseille, ceux qui pensent encore que Pétain ruse, et prépare en secret le redressement, ceux qui suivent Weygand, organisant des caches d’armes en Algérie avant d’être évincé par Vichy, ceux qui s’engagent dans les Forces françaises libres qui suivront contre les troupes de Pétain les Anglais en Syrie.
    Des deux capitales britanniques, Londres brûlait sous les bombes, mais Le Caire regroupait l’Empire. Churchill y ralliait l’armée des Indes, armait les Égyptiens et les Arabes, renforçait Malte et l’escadre d’Alexandrie, protégeait Suez qui n’était pas, comme en 1914, menacée par les Turcs désormais neutres, mais par les Italiens renforcés d’une unité blindée allemande, l’Afrika Korps de Rommel. Les Allemands reprenaient donc la route d’Orient, celle qu’ils avaient jadis ouverte vers Bagdad, par un itinéraire à travers les sables de Libye. Ils ne pouvaient faire l’économie d’un élargissement coûteux et aléatoire de la guerre sur un autre continent. S’il voulait venir à bout de la résistance anglaise, Hitler savait qu’il devait couper la route des Indes, et rendre mondiale la guerre européenne.
    Churchill, le responsable du sanglant échec des Dardanelles en 1915, était fidèle à la pensée de lord Milner, quand il affirmait en mars 1918, au plus fort de l’offensive de Luden-dorff en Picardie, que la victoire ne pouvait venir que de l’union des peuples de la mer. Les Britanniques se trouvaient enfin confrontés à la nécessité de se défendre contre l’hégémonisme allemand, non sur le continent, mais sur les océans. Churchill envisageait, en cas d’invasion de l’Angleterre, de continuer la lutte au Canada. Le « réaliste » qui avait coulé la flotte de Mers el-Kébir sous le nez du général de Gaulle, rendu impuissante l’escadre française réfugiée à Alexandrie, tenu la base de Malte malgré les raids de la Luftwaffe, imposé à Franco le respect de Gibraltar, était déjà fort du ralliement des Dominions, du Canada héroïquement présent aux batailles de la Grande Guerre, des Anzacs sacrifiés de Gallipoli et même du renfort sud-africain du général Smuts, qui avait réussi à imposer aux Boers pro-allemands une participation à la guerre. Mais les armées étaient longues à lever, les chars et les navires manquaient, les spitfires sortaient des chaînes trop peu nombreux. Churchill avait gagné la bataille d’Angleterre en épuisant la Royal Air Force.
    Que risquait Hitler? L’Angleterre était seule, et mal armée. À l’ambassade américaine à Londres occupée par Joseph Kennedy, l’Intelligence Service soupçonnait l’existence d’un réseau d’espionnage nazi. La flotte anglaise pouvait encore faire impression, mais les sous-marins et les avions torpilleurs pouvaient la réduire. Les batteries lourdes du Pas-de-Calais prenaient le détroit sous leur feu. La côte belge, les ports français regorgeaient
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