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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée)
Autoren: Pierre Miquel
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de s’approprier la plus grande partie de l’économie. Le commerce extérieur, entièrement tourné vers l’Allemagne, était de nature coloniale. Le général von Stülpnagel, commandant militaire, pouvait passer directement commande aux industries et réquisitionner les produits agricoles, ainsi que la main-d’œuvre.
    L’Allemagne de Hitler appliquait dès 1940 avec une rigueur considérablement accrue le plan d’oppression économique déjà organisé pendant la Première Guerre par le gouvernement wilhelminien dans les pays occupés. Il n’était pas question de coopération, même avec les régimes collaborateurs, mais d’exploitation. Le comité directeur de la politique commerciale à Berlin planifiait les livraisons et les fabrications de guerre de l’Europe occupée dès 1940 : du pétrole roumain comme du beurre hollandais ou danois, du fer français comme du charbon belge. Quant aux Polonais, ils étaient douze millions à subir un régime d’asservissement qui considérait les Juifs et les Tziganes comme des non-humains.
    Le traité de Versailles avait réduit à cent mille hommes l’armée allemande. Hitler concédait, sans avions ni armes lourdes, le même chiffre aux Français qui conservaient leur « empire » colonial et leur flotte de guerre désarmée. L’armée allemande s’appropriait les canons et les chars, les munitions et les camions, comme elle avait déjà dépouillé les parcs tchèques et polonais. Les usines de guerre tournaient partout pour la Wehrmacht, et d’abord Renault et Citroën. L’armistice imposé par Hitler était pour les Français (les seuls qui eussent signé un accord militaire évitant la capitulation) une totale régression. Ils n’avaient plus qu’un État fantoche, dominé par l’occupant. Dernière humiliation : les anciens combattants de Verdun n’avaient d’espoir qu’en Pétain pour tirer le pays du chaos, alors que le chef de l’État français offrait à Montoire sa « collaboration » à Hitler, dont le dictateur n’avait que faire puisqu’il avait déjà tout pris. Le long hiver de la honte glaçait le pays victorieux en 1918, à genoux en 1940, et le lançait dans la période la plus funeste de son histoire.
    Qui entendait la voix du général de Gaulle à Londres le 10 juillet 1940, quand les députés et les sénateurs se suicidaient à Vichy dans un vote favorable au futur État français malgré l’opposition courageuse de quatre-vingts d’entre eux ? Pas un ne croyait alors que l’Angleterre pouvait échapper à la défaite. On accusait au contraire de félonie les Anglais destructeurs de la flotte française désarmée de Mers el-Kébir. Combien de Français protestaient contre les lois antisémites promulguées en octobre, et dès juillet pour les étrangers, par le régime de Vichy ? Combien d’anciens de 1914-1918 estimaient possibles la résistance et la reconstruction nationales ? Ils étaient une poignée, mais nul ne pouvait les entendre.
    Après sa défaite, la France subissait la suprême humiliation de voir Nice, la Corse et la Savoie occupées par les troupes italiennes, après le « coup de poignard dans le dos » de Mussolini qui avait déclaré la guerre aux Français déjà vaincus, pour participer à la curée, bien que ses troupes eussent été rejetées avec fracas par l’armée des Alpes et notamment à Briançon et à Menton.
    Le pays de Clemenceau, de Joffre et de Foch était mis à l’encan sous le regard et avec le concours de Pétain, dernier survivant du grand drame. Sa police opérait des arrestations de militants communistes, alors que les Allemands, encore alliés des Soviétiques, n’en exigeaient pas tant. Elle assurait l’éviction des Français juifs des emplois d’État et des professions de l’information, l’élimination des professeurs et des étudiants juifs, sans aucune pression précise de l’occupant. Elle jetait les bases d’une guerre civile en France, sous l’œil narquois des nazis. Le prestige du dernier maréchal de la Grande Guerre, du sauveur de Paris en 1918, se trouvait compromis, entaché, bientôt oublié par une politique à la fois répressive et servile, parfaitement admise par une grande partie du patronat français et des banques, dont le rôle pendant l’occupation a été soigneusement occulté, aussi bien que celui des capitaux d’outre-Atlantique investis en Europe.
    *
    Il revenait au gaullisme de reprendre le flambeau de l’Arc de
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