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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée)
Autoren: Pierre Miquel
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INTRODUCTION

    On oublie trop souvent qu’ils ont fait deux guerres, les poilus. Ceux qui sont partis à dix-neuf ans en 1918 en avaient quarante en 1939. Beaucoup sont restés quatre ans prisonniers dans les camps. Ils ont, toute leur vie, subi dans leur chair les effets de l’affrontement franco-allemand.
    « En août 1914, écrit Marc Bloch, soldat des deux guerres, les hommes n’étaient pas gais, ils étaient résolus, ce qui est mieux. » L’historien rejoint alors son corps à Amiens. Quand son train passe par Sedan, « il est heureux de parler de victoire devant le grand champ de bataille de la défaite de 1870 ». Son régiment, le 273 e d’infanterie, est promis à une autre défaite, celle de Charleroi. Bientôt Marc Bloch recule sans pouvoir se battre, « le dos à la frontière ». Il perd tous ses officiers, et un grand nombre de ses compagnons quand l’armée se redresse, à la bataille de la Marne. Puis il s’enterre dans la tranchée pour quatre ans, comme les autres, autour de Sainte-Menehould. Il entendra longtemps « le tap tap des gouttes de pluie sur le feuillage, si semblable au rythme des pas lointains ».
    Le même Marc Bloch est mobilisé en 1939, sans marquer le moindre étonnement. Les vingt ans de trêve ont permis à l’Allemagne de se reconstituer sous Hitler, de devenir encore plus agressive, encore mieux armée. Toutes les raisons qui avaient poussé des millions de Français à partir aux frontières en août 1914, quand trois armées allemandes envahissaient la Belgique, marchant vers Paris à grands pas, se retrouvaient en septembre 1939, quand on attendait la Wehrmacht, de retour de Pologne, sur les bords du Rhin et de la Meuse.
    Le 10 mai 1940, ils sont de retour. Le 12, Marc Bloch, de nouveau sous l’uniforme, voit les soldats belges débandés qui commencent « à se glisser à travers les villages ». Il plie le dos sous les bombes des stukas à Valenciennes. C’est « l’étrange défaite », celle qui porte le « lansquenet » Ernst Jünger, héros des offensives allemandes de 1918, vers Paris qu’il occupe en 1940 avec plaisir, ne fréquentant que l’exquis milieu littéraire de Saint-Germain-des-Prés. Bloch, à l’état-major, voit de près les responsables de la déroute, le général Blanchard, commandant de la l re armée, « un homme, écrit le général anglais Ironside, dont le cerveau avait cessé de fonctionner ». Les anciens de la 14-18 se montrent, à l’instar de Gamelin, ancien de l’état-major de Joffre à la Marne, ex-commandant héroïque d’une division d’infanterie à la bataille de Picardie en 1918, particulièrement incapables ou impuissants dans la guerre éclair.
    Le général Villemin était, comme Hermann Göring, un as des as de l’aviation de toile et de bois, mais, en 1940, il n’avait pas assez d’avions. De Gaulle, promu général de brigade et sous-secrétaire d’État en 1940, défenseur des divisions cuirassées, avait, en août 14, franchi, lieutenant d’infanterie, le passage à niveau de Dinant sous la mitraille. Il avait longtemps lutté pour obtenir des chars, mais en 1940 ils étaient saupoudrés, au lieu d’être regroupés, sur toute la ligne française.
    Les généraux allemands aussi sont des anciens combattants de l’autre guerre, mais ils sont en mesure de diriger avec efficacité et maîtrise l’invasion de la France. Heinz Guderian, le théoricien allemand des blindés nommé par Hitler en 1938 inspecteur des troupes rapides, était en 1914 officier de transmission. L’un des héros allemands de mai 1940, Erwin Rommel, chef de la VIP Panzerdivision, ancien membre des SA en 1930, avait gagné comme officier d’infanterie l’ordre pour le Mérite en se battant sur l’Isonzo en 1918. Rommel et Göring sont les plus jeunes de la nouvelle équipe. Tous les généraux de Hitler sont des anciens de l’autre guerre, y compris l’amiral Dönitz, spécialiste de la guerre sous-marine dès 1916 et l’un des artisans de la reconstitution de la flotte de haute mer en 1934.
    Les réflexions de Jünger dans Le Boqueteau 125 montrent comment les anciens de la Grande Guerre ont réussi à mobiliser dans la Wehrmacht de 1939 les cent mille jeunes de dix-huit à vingt ans dont elle avait besoin pour vaincre, avec les nouvelles armes d’acier : ceux des écoles de vol à voile enrôlés dans la Luftwaffe, ceux des Hitlerjungen recrutés dans les Panzers. « Nous attaquerons en échelons sur
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