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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée)
Autoren: Pierre Miquel
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guerre » : le poilu de 1940 avait très souvent le sentiment qu’il était livré en avant-garde à une boucherie. Il s’est battu courageusement, mais avec la conviction qu’il était « trahi ».
    Leur guerre n’était que l’ébauche d’une guerre totale. Après vingt ans de conflits où le retrait de l’Amérique et la révolution communiste avaient jeté la vieille Europe, l’Allemagne et la France découvraient qu’elles n’étaient plus un couple mais des nations réduites à leur plus simple dénominateur par une bourrasque de l’Histoire qui avait laissé sur le terrain, ou dispersé dans la fumée des crématoires, plus de soixante millions de victimes. En allant jusqu’au bout de sa volonté de domination, l’Allemagne hitlérienne dépassait certes de beaucoup les limites du vieil impérialisme wilhelminien. Il reste que les indicibles horreurs des Juifs martyrisés, des villes bombardées, anéanties, atomisées avaient pris naissance dans cet attentat de Sarajevo, pendant l’été de 1914, qui avait répandu dans le monde la pratique de la violation des personnes, du mépris de la vie, de la violence considérée comme le moyen normal, acceptable par tous, de domination des peuples.
    Ni les responsables allemands, ni les français n’ont jamais demandé pardon à ceux qu’ils ont fait mourir par millions de l’hécatombe dans laquelle ils les ont entraînés. Ils ont prôné la réconciliation dans l’oubli, ou dans le souvenir ému, comme s’il n’y avait pas de coupables à cette guerre de trente ans, comme s’il était vain d’en rechercher, comme si les mécanismes de l’Histoire avaient fait tout le mal. Les derniers survivants de la guerre civile trentenaire sont encore là pour témoigner que l’Histoire est une affaire d’hommes.
    Que Français et Allemands la prennent enfin à bras-le-corps, sans arrière-pensée, sans ménager les responsables, ayant au fond vidé leur querelle, sans indulgence mais aussi- sans colère particulière pour les vieilles bandes coiffées de casques à pointe qui franchissaient la frontière belge, en août 1914, ouvrant ainsi, sans le savoir, les digues au fleuve de sang.
    Quant à ceux de Verdun que l’on est soudainement pressé d’oublier, ils ont donné sans le savoir une leçon au monde d’aujourd’hui : leur courage imprévisible, leur acharnement à survivre ont pu avoir raison paradoxalement de la guerre industrielle, celle qui les considérait comme un matériel parmi d’autres, celle dont les critères et les objectifs étaient partagés par leur propre état-major, au nom du droit. Ils ont appris à mourir pour rester simplement des hommes.

Imprimé en France sur Presse Offset par

    BRODARD TAUPIN
    GROUPE CPI
    14972 — La Flèche (Sarthe), le 01-10-2002 Dépôt légal : octobre 2002
    POCKET — 12, avenue d’Italie — 75627 Paris cedex 13 Tél. : 01.44.16.05.00
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