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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre
Autoren: Ken Follett
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fini par comprendre que cet homme avait
toujours sincèrement craint Dieu. »
    Jack
paraissait sceptique.
    « Je
crois vraiment qu’il était profondément religieux. Il n’a fait qu’une erreur
cruciale : il a cru que la fin justifiait les moyens au service de Dieu,
ce qui l’autorisait à faire n’importe quoi.
    — Y
compris conspirer pour le meurtre d’un archevêque ! »
    Jonathan
leva les mains dans un geste de défense. « C’est Dieu qui doit le punir…
pas moi. »
    Jack
haussa les épaules. Il croyait entendre Philip. Il ne voyait aucune raison de
laisser Waleran vivre au prieuré ; toutefois, c’était aux moines d’en
décider. « Pourquoi voulais-tu que je le voie ?
    — Il
veut te dire pourquoi on a pendu ton père. » Jack sentit un froid glacial
l’envahir.
    Waleran
était assis, immobile comme une statue de pierre, le regard perdu dans le vide,
pieds nus sous l’ourlet de son habit de laine grossière. On apercevait les
fragiles chevilles blanches d’un vieillard. Jack se rendit compte que Waleran
n’avait plus rien de redoutable. Il était faible, vaincu et triste.
    Jack
s’approcha lentement et s’assit sur le banc, à trois pas de Waleran.
    « Le
vieux roi Henry était trop fort, commença Waleran sans préambule. Certains des
barons supportaient mal d’être trop bridés. Ils voulaient un successeur moins
puissant. Mais Henry avait un fils, William. »
    Tout cela
était de l’histoire ancienne. « C’était avant ma naissance, interrompit
Jack.
    — Ton
père est mort avant que tu ne viennes au monde, répliqua Waleran, retrouvant un
instant son air supérieur de jadis.
    — Continuez,
dit Jack, soudain attentif.
    — Un
groupe de barons décida de tuer William, le fils de Henry. D’après leur
raisonnement, en cas de problème de succession, ils auraient plus d’influence
sur le choix du nouveau roi. »
    Jack
scruta le visage pâle et maigre de Waleran y cherchant des traces de ruse. Le
vieil homme paraissait simplement fatigué, abattu et débordant de remords. S’il
préparait un mauvais coup, Jack n’en voyait pas de signes. « Mais William
est mort dans le naufrage du Vaisseau blanc, reprit Jack.
    — Ce
naufrage n’était pas un accident. »
    Jack
accusa le coup. Était-ce vrai ? L’héritier du trône assassiné, parce qu’un
groupe de barons souhaitaient une monarchie faible ? Au fond, ce n’était
pas plus choquant que le meurtre d’un archevêque. « Et alors ?
dit-il. Je vous écoute.
    — Les
hommes des barons sabordèrent le navire et s’enfuirent dans un canot. Tous les
passagers du bateau se sont noyés, à l’exception d’un seul qui, cramponné à un
bout de mât, surnagea jusqu’au rivage.
    — C’était
mon père », dit Jack. Il commençait à voir où l’autre voulait en venir.
    Le visage
blanc, les lèvres exsangues, Waleran parlait d’une voix unie, évitant le regard
de Jack. « La mer l’a rejeté près d’un château qui appartenait à l’un des
conspirateurs, et on l’a pris. L’homme n’avait nullement l’intention de dénoncer
quiconque. A vrai dire, il ne s’était même pas rendu compte que le vaisseau
avait été sabordé. Mais il avait vu des choses qui auraient fait éclater la
vérité si on l’avait laissé partir, libre de parler de son aventure. Et donc on
l’enleva, on l’emmena en Angleterre et on le remit à la garde d’hommes de
confiance. »
    Jack était
bouleversé. Tout ce que son père voulait, d’après Ellen, c’était distraire les
gens. Mais il y avait un détail étrange dans le récit de Waleran.
« Pourquoi ne l’ont-ils pas tué tout de suite ? demanda Jack.
    — Ils
auraient dû, répondit Waleran sans montrer la moindre émotion, mais c’était un
innocent, un troubadour, quelqu’un qui donnait du plaisir à tout le monde. Ils
n’ont pas pu se résoudre à le faire. » Il eut un rire sans joie.
« Même les gens les plus impitoyables ont parfois des scrupules.
    — Pourquoi
ont-ils donc changé d’avis ?
    — Parce
qu’il a fini par devenir dangereux, même ici. Au début, il ne menaçait
personne : il ne savait même pas l’anglais. Mais il a appris, naturellement,
et il a commencé à se faire des amis. Alors on l’a enfermé dans le cachot, sous
le dortoir. Puis les gens se sont mis à demander pourquoi on l’avait enfermé.
Il devenait gênant. Les barons ont compris qu’ils ne connaîtraient jamais le
repos tant qu’il était vivant. Ils
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