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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer
Autoren: Pierre Naudin
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chevalier d’exception, mais ton cœur n’est pas différent de celui d’un jouvenceau avide de s’accoler à une jolie fille… Tu as le goût des enluminures ; moi, je vois les choses non méchamment, mais froidement. Tu sais que j’ai porté la Croix sur mon tabard, partant renoncé à l’amour charnel. C’est donc de loin, sinon de haut que je juge une passion qui, pour toi, me semble prématurée.
    Ogier, les dents serrées, saisit la poignée de la porte. La pression des doigts, sur son épaule, devint presque insoutenable. Puis cessa.
    — Je t’ai guéri de ta jambe rompue ; je ne puis guérir ton esprit d’un enivrement dont peut-être, plus tard, tu te repentiras… Si je ne t’aimais bien, je ne t’aurais jamais parlé ainsi.
    — Je le sais !
    — Ne sois pas amer… Je te souhaite de retrouver cette pucelle et même de la ramener céans… car il faut que tu reviennes… Tu m’as promis de…
    Ogier se dégagea. Son sang bouillait. Se réjouir de retrouver cet homme et subir de pareilles leçons !
    — Par Dieu, le Christ et la Très Sainte Vierge, messire ! Je tiendrai ma promesse envers vous quelle que soit l’action que vous me confierez… Tel que je vous connais, vous ne pouvez m’inciter à commettre une vilenie.
    Le mire eut une moue lourde de commisération :
    — Le Christ et Sa Sainte Mère t’en seront sûrement reconnaissants !… Demande-toi, en cheminant, si elle t’aimerait autant avec une seule jambe…
    La porte s’ouvrit et se referma.
    Une inquiétude épaisse refroidit Ogier, chair et sang, tandis qu’il rejoignait ses compagnons. La moquerie de Sirvin à son égard, l’âpreté de sa voix lors de ses allusions à Blandine… Sa dextre furibonde crispée sur le long dard spiralé…
    « Je le déteste ! »
    Il supportait mal, peut-être en raison de son jeune âge, ce qui n’était ni du dédain ni de la jalousie et portait un nom qu’il ne découvrait pas. Ce vieillard avait eu vingt ans. Détestait-il les femmes parce que l’une d’elles, jadis, l’avait trahi ? Ou bien, comme certains Templiers, était-il sodomite ?
    Il se mit en selle, ce que Marchegai parut approuver d’un hochement de tête.
    — Restons-nous à Chauvigny, messire ? demanda Joubert, le pennoncier.
    — Nous allons cheminer une demi-lieue… ou, si vous préférez, jusqu’à la vesprée. Nous passerons la nuit dans un bosquet et demain, à l’aube, nous partirons.
    — Où irons-nous ? interrogea Delaunay, tout imprégné, déjà, de ténèbres et de sommeil.
    — Poitiers… Si Dieu le veut, nous y sauverons Blandine.
    — La sauver ? s’étonna Lehubie.
    — Oui… Il se peut que les Anglais s’apprêtent à surquérir la ville.
    — Ah ? fît Gardic. Et moi qui pensais…
    Il ne concevait pas que ses compères et lui dussent risquer leur vie pour secourir une pucelle qu’aucun d’eux ne connaissait. Cependant, il n’osait exprimer son peu d’empressement et ses doutes. Homme de guerre, il l’était. Au sein d’une armée, il se fût senti à l’aise. Parmi une poignée de guerriers de sa trempe, il doutait de l’opportunité d’un sauvetage dont les chances de réussite se réduisaient à rien.
    Ogier fut tenté de le rassurer. C’eût été détruire du même coup la confiance que la plupart des soudoyers groupés autour de son cheval lui témoignaient. D’ailleurs, ne doutait-il pas, lui aussi ? En chemin, il avait feint parfois l’insouciance alors que chaque lieue parcourue aggravait le poids de ses soucis.
    — On fera pour le mieux, dit-il en tapotant l’encolure de Marchegai. On imaginera ce qu’on pourra pour délivrer ma fiancée si, à la malheure, les Goddons cernent Poitiers avant notre venue sous les murs.
    Il usait d’un ton mesuré, n’osant employer celui du commandement ni celui d’une familiarité qui l’eût réduit au niveau de ses hommes. Si les Anglais s’apprêtaient à conquérir Poitiers, il trouverait un subterfuge pour se glisser parmi eux et les devancer lorsque l’assaut serait donné à la malheureuse cité. D’ordinaire, une pareille idée eût stimulé son besoin d’action, or, il se sentait rassasié de toute espèce d’aventure.
    « Si la Providence ne me vient pas en aide, j’échouerai. »
    L’impatience et l’évidence du temps perdu se partagèrent son être. Sans même qu’il fût besoin d’un propos de ses hommes, il les savait, tel Gardic, réticents à exposer leur vie pour les
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