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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer
Autoren: Pierre Naudin
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a de l’estoc [5] plus qu’aucun autre membre de cette vieille maison…
    — Que voulez-vous dire ?
    — Ne fronce pas les sourcils : Blandine est belle et fera une parfaite chevaleresse [6] … Serait-elle pauvrement vêtue que son teint, son maintien, ses façons avenantes rehausseraient les déchirures de ses penailles… Tu n’auras jamais honte d’être son époux… En seras-tu heureux pour autant ?
    Cette louange inopinée s’achevait par une question oiseuse– à moins qu’elle ne fût subtilement perfide. Ogier s’abstint de révéler qu’il se l’était souvent posée sans oser franchement y répondre. Malgré la simplicité de sa robe et de sa coiffure, toutes deux endommagées après la lutte qu’elle avait soutenue contre Lerga, il avait sentit Blandine capable, ainsi défaite, de supplanter en séduction toutes les dames de la noblesse. Il s’était aussitôt fait l’effet d’un huron jusqu’à ce qu’elle lui eût avoué qu’elle l’aimait en l’assurant qu’en son absence elle saurait résister à des parents désireux de la marier, sans doute avec Aimery de Rochechouart. Contrairement à ce qu’il en avait auguré, cet amour, plutôt que de l’égayer, n’avait cessé de le tourmenter. Déjà maussade par nature, il avait vu sa mélancolie empirer sans que la tribulation de sa famille, l’opprobre où se consumait son père, l’angoisse où lui-même s’embourbait en raison d’une déchéance indue, et surtout l’inanité de ses menées contre Blainville – alors vivant encore et plus néfaste que jamais –, pussent en être rendus responsables. Oui, bien qu’il se complût dans ce nouveau culte, son adoration pour Blandine lui était apparue parfois comme un fardeau de l’âme, composé par tierces parties de tristesse, de crainte sourde et d’espérance peut-être illusoire ; une aventure délicieuse où la croyance vivifiante d’une union parfaite, au lieu de se convertir en certitude, s’ébréchait au fil des jours. Aux «  je l’aime et elle m’aime  » sans cesse réitérés en touchant ou regardant l’anneau qu’elle lui avait donné, répondait en écho : « Elle n’est pas pour toi… Trop belle, trop pure, trop accoutumée à la ville… » Chaque lieue qui l’éloignait d’elle avait aggravé ces émois où la confiance et la crainte s’inclinaient alternativement sous le poids de jugements opposés, tout aussi pertinents les uns que les autres. Jusqu’à Crécy. Là, au cœur de l’immonde boucherie, ses sentiments s’étaient altérés sous l’effet d’une seule idée : résister aux coups afin de vivre avec ou sans Blandine l’existence que la Providence lui destinait.
    — Cette passion t’aide-t-elle dans tes actions ?
    Benoît Sirvin souriait avec un rien de gaieté mais beaucoup de compassion. Une fois de plus, Ogier se sentit percé. Il fût franc :
    — Nenni, messire. Quand je suis gai de me sentir aimé, j’ai soudain peur que tout cela ne tourne mal. Je m’afflige alors bêtement d’être trop heureux ! Je maudis notre éloignement et me convaincs que lorsque nous serons mariés, je serai comme on dit le plus comblé des hommes… sans parvenir à me rassurer pleinement… J’aimerais tant qu’à défaut d’élargir ma vue, d’affermir ma confiance en moi et ma volonté d’accomplir mes desseins, cette passion me donne pour toujours, soit la sérénité, soit l’allégresse que j’envie à tant d’autres qui aiment sûrement moins et sont moins aimés que moi !
    Le mire gloussa tout en lissant sa barbe. Il parut hésiter à poser sa main sur l’épaule de ce soupirant dont il ne réprouvait qu’une ferveur trop vive :
    — À l’inverse de la foi, Ogier, l’amour n’a jamais été un remède à nos tourments, un solide soutien à toutes nos faiblesses, ni même le plus sûr garant de nos réussites. Il rend à ses débuts les êtres différents sans les guérir de leurs défauts, qu’il peut même aggraver ; sans affermir leurs vertus, qu’il peut aussi corrompre. Il ne te délivrera pas des invisibles chaînes dont tu fus, comme chacun de nous, chargé à ta naissance, mais il pourra les alléger ou les appesantir selon l’humeur de Blandine.
    — Oh ! messire… Nous sommes deux, nous nous aimons pareillement. Notre amour à nous…
    — Sera ce qu’il en est des autres. À la meule des jours… et des nuits, tout s’amincit et devient poudre. Je te l’ai dit : tu es un
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