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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer
Autoren: Pierre Naudin
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d’une lieue de Paris, il a renoncé à ce trône qu’il proclamait sien et qui lui eût peut-être appartenu s’il avait exigé de ses guerriers un petit supplément d’effort… Et il y a mieux : après nous avoir taillés en pièces à Crécy, il a reculé vers Calais plutôt que d’avancer de nouveau vers Paris dont l’accès lui était aisé puisque nous n’avions plus d’armée, sinon quelques milliers d’hommes horrifiés que Philippe venait de congédier sans remords !
    — Le duc Jean, après avoir levé le siège d’Aiguillon, n’est-il pas allé plus loin que Paris avec ses chevaliers et sa piétaille ?
    — Il n’a pas pris les chemins du Ponthieu… Quant à ses hommes : des vaincus, pour ainsi dire… Ah ! messire… Une victoire à Crécy suivie d’une retraite ! Un renoncement pareil alors qu’Édouard, ses hommes et les Flamands qui allaient les rejoindre pouvaient presque sans coup férir marcher au Sud et entrer dans Paris !… Qu’est-ce que cela cache ? Messire saint Denis a-t-il fait un miracle ?… Je vous avoue mon ébahissement !
    — Plutôt que d’y régner, Ogier, Édouard préfère dépecer ce royaume que Capétiens et Valois n’ont cessé d’affaiblir. Il se peut qu’il craigne qu’en se partageant entre la France et l’Angleterre, ses deux trônes ne soient menacés… Absent de la Grande île, on peut y comploter contre lui ; absent de France, on le peut aussi, et même davantage !… Rares sont les amis dans les palais royaux… Mais je t’avoue ne point comprendre ces nobles couronnés. L’un, après une victoire à la suite de laquelle l’armée de France est écrasée, va, plutôt que Paris, assiéger Calais. L’autre, au lieu d’amasser en hâte de nouvelles forces pour courir sus à l’ennemi, licencie ses guerriers, offrant ainsi la France aux convoitises de son vainqueur, qui ne tire nul profit de l’aubaine !
    — Je crains qu’après Crécy aucun seigneur de France, petit ou grand, ne soit enclin à guerroyer. Voyez : on vient d’assaillir le Poitou et il apparaît que Philippe n’a rien fait pour briser l’avance de Derby et de ses armées… Ni le duc Jean, qu’on dit faussement bataillard !
    — Tu enrages d’autant pour cette invasion-là qu’elle menace Poitiers et ta pucelle !
    — Vous semblez la détester, messire.
    Renonçant à prendre appui sur son précieux bourdon, le vieillard marcha vers la porte d’un pas lourd, légèrement clopinant.
    — De ma vie, je n’ai détesté que deux êtres, deux hommes : Philippe le Bel et Nogaret. Il me semblait te l’avoir dit… Quant à cette pucelle, tu l’aimes davantage que je ne le croyais…
    C’était une constatation lourde d’acerbité, de déconvenue et de sollicitude.
    — À ce jour où nous sommes, messire, les six mois qui m’ont séparé de Blandine me paraissent six longues années. J’ai tellement galopé, déchanté et souffert lors de ces Pâques chauvinoises que je ne pourrai les oublier. J’étais venu en Poitou le cœur vide et le cerveau plein de deux intentions qui, de plus, dépendaient l’une de l’autre : faire échec au complot d’une poignée de traîtres et dénoncer son grand meneur, Blainville, pour l’occire…
    Ogier s’interrompit. Cette vacuité du cœur, cette sécheresse d’esprit avaient cessé dès le trépas d’Adelis, parce qu’il s’en était cru – et s’en croyait toujours – en partie responsable. Il s’était alors aperçu combien la jeune femme avait compté dans sa vie. Tout étourdi et tourmenté par cette révélation, il avait décidé qu’aucune fille, avant longtemps, n’exercerait sur ce cœur et cet esprit en deuil une influence quelconque. Or, Blandine était passée. Lerga, l’essentiel suppôt de Blainville, l’avait assaillie. Bien que malaisée, la délivrance de la pucelle s’était révélée un plaisir.
    — Je suis le premier étonné, messire, d’amourer tellement Blandine.
    S’il s’était merveillé de sa chair d’églantine et de sa chevelure d’or flamboyant, il avait surtout été conquis par la grâce d’un maintien et la joliesse d’une démarche où l’on sentait, sous l’aisance des mouvements, une nonchalance imprégnée de mélancolie.
    — Je la crois mal heureuse, messire. Ai-je raison ?… Vous la connaissez un peu…
    — Les Berland sont une famille étrange. Je te laisse le soin de la découvrir tout entière. Je te concède que cette pucelle
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