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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer
Autoren: Pierre Naudin
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pavement.
    — Ce que nous savons, à Chauvigny, c’est que Derby a réuni ses guerriers près de Bergerac et qu’ils sont entrés en Saintonge le 12 du mois dernier. Des chevaucheurs nous ont appris qu’ils ont conquis Taillebourg, Mazières, Surgères… Saint-Jean-d’Angély est tombé le 30 après un siège de trois jours [3] … Nous sommes le 2 octobre. Les Chauvinois se préparent à être assaillis. Tu as dû t’en apercevoir !
    — Oui, messire. Les défenses sont bien garnies.
    — Elles le seront davantage maintenant que la nuit tombe, mais je pense qu’avant de venir céans, les Goddons voudront conquérir Poitiers… Loin de moi l’envie d’aggraver ton tourment, mais sache-le, car je la connais mieux que toi, cette cité est aisée à envahir. Ses murailles ont çà et là des faiblesses, et nul n’a songé à les mieux bastiller.
    Désignant une escabelle, le mire invita Ogier à prendre place face à lui :
    — Tu savais avant moi, avant tous les seigneurs et bonnes gens de ce royaume, que Derby allait assaillir le Poitou.
    Ogier s’assit ; il en avait soudain besoin : oui, il avait tout appris sur les intentions anglaises, sans pouvoir en informer quiconque. Il soupira :
    — Hélas !… Il avait été convenu, entre Godefroy d’Harcourt et ses complices, que Derby mettrait le Poitou en perdition le jour même du débarquement d’Édouard III à la Hogue-Saint-Vaast, c’est-à-dire – nous l’avons appris ensemble, vous et moi –, le 12 juillet, tandis que la guerre renaîtrait en Bretagne et en Flandre… Or, si elle reprit en Bretagne, si les milices des Flandres se sont ruées sur le nord du royaume, Derby a tardé… Il n’empêche que tout ce que nous savions, Champartel et moi, n’aura servi à rien, car il lui fût impossible d’aviser le roi de ce qui se préparait…
    Occupé à tourner l’appendice de narval dont les vrilles semblaient s’enfoncer entre deux dalles, Benoît Sirvin hocha la tête :
    — Pauvre royaume que le nôtre et souffrant de maladies contre lesquelles toute médecine sage me paraît impuissante… C’est un grand corps qui se pourrit… Le seul remède serait l’avulsion de sa tête… Oui, il faudrait pouvoir lui arracher la tête : ce Philippe VI ne vaut rien… Nous avons su qu’à Crécy, en Ponthieu, il avait perdu une grande bataille bien que comptant sous ses bannières trois ou quatre fois plus de guerriers que son cousin d’Angleterre…
    — Hé oui ! C’était à la fin août. Nous en étions, Thierry et moi. Mon écuyer y fut armé chevalier par le roi auquel il sauva la vie. Je ne sais grâce à quel miracle nous en avons réchappé. Le soir même, j’ai pu prouver à notre suzerain la trahison de son homme lige.
    — Tu as occis Blainville. Te voilà comblé !
    — Comblé ?… Il se peut, mais croyez-moi, messire : après six ans d’injuste déchéance, le bonheur restauré a un goût de fiel et non de miel… Je peux désormais dire à mon pennoncier d’offrir au vent les lions d’or de mes armes sans crainte qu’on en rie , puisqu’ils ont recouvré leurs queues… Je peux m’enorgueillir du nom qui est le mien. Cela ne saurait me faire oublier que Gratot est à demi ruiné, toutes nos terres en friche et que le trésor des Argouges est aussi épuisé que mon père… Comment pourrais-je oublier que la désespérance a meurtri ma mère ?
    — Et Thierry Champartel ?
    — Il est quiet, satisfait de son sort. Il n’avait jusqu’ici connu que la misère ; le voici chevalier, marié à ma sœur. Le roi s’étant montré reconnaissant, il a pu engager quelques soudoyers [4] . Il vit avec Aude au manoir de Blainville dont nous avons chassé les anciens occupants.
    Ogier s’interrompit. Trois jours après leur retour à Gratot, avec leurs hommes d’armes, les douze siens et les six engagés par Thierry à Coutances, ils étaient allés enjoindre aux Navarrais et truands de Blainville de quitter les lieux sans tarder. Les clercs : Adhémar de Brémoy et Huguequin d’Etreham étaient sortis courroucés de l’enceinte. L’annonce du châtiment de leur compère et protecteur et la vue du sceau royal les avaient apaisés. «  Vous saviez, saints hommes, que le baron vivant céans était un malandrin. Voyez les lions de ma bannière et dites-vous que c’en est fini de la hautaineté que vous avez montrée envers mon père et les miens ! Allez quérir les mercenaires et guerpissez avec
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