Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
eux : je pourrais vous châtier sans respect de vos frocs de bure ; je préfère vous regarder fuir ! » À Thierry indigné par tant de mansuétude, il avait répondu qu’il était rassasié de haine et de sang.
    — Ton ancien écuyer n’est point marri de t’avoir laissé partir seul ?
    — Oh ! si… Toutefois, il a une double tâche : veiller sur le châtelet de Blainville et sur Gratot. Comme il n’est pas dans mes intentions de m’attarder en Poitou, je lui ai laissé mon chien.
    Ogier se sentit dévisagé avec une insistance dont il conçut quelque agacement. Il s’efforça pourtant à la sérénité : il devait à cet homme d’avoir conservé sa jambe senestre et de marcher sans claudication.
    — Je conçois ton envie de ne pas t’attarder. J’aimerais, cependant, qu’à ton retour de Poitiers, tu demeures trois ou quatre jours auprès de moi.
    — Je ne serai plus seul.
    — Si elle ne peut entrer dans sa maison, elle aura céans une chambre, à moins que vous ne fussiez mariés. En ce cas, vous partageriez la même.
    — Soit… Mais j’ai six hommes à mon service, six chevaux et un sommier portant mon armure de fer, deux lances, des vitailles et de quoi les cuire. Votre maison n’est point une hôtellerie.
    — J’ai de quoi héberger tes gens dans une grange non loin d’ici.
    — Soit, messire… Pensiez-vous me revoir si tôt ?
    Ogier vit se bourreler le front pâle, les paupières ciller sur les yeux tristes et les lèvres se pincer dans leur nid d’étoupe blanche. Sans jamais avoir ployé devant cet homme, il s’en sentait dépendant : il lui avait fait une promesse, et justement Sirvin y faisait allusion :
    — Le Ciel fait bien les choses. Les temps, les gens, la terre s’enveniment. Aux prochaines Pâques, mais surtout à celles qui suivront, je crains que le Poitou n’ait à subir, tout comme le royaume, un mal bien différent du mal de guerre…
    — Quelle sorte de mal, messire ?
    — Les étoiles ne m’en ont rien dit, mais je pressens qu’il sera épouvantable.
    Ogier frémit : si le vieillard lui faisait cette révélation, il devait y croire.
    — Aux Pâques dernières, un moine errant avait menacé les jouteurs d’un châtiment comme oncques n’en vit de mémoire d’homme : la pestilence noire… Que faire contre un tel fléau ?
    Le vieillard soupira. La tiède lumière des chandelles ajoutait au silence du vestibule une sorte de maussaderie ou de recueillement. Dehors, un cheval hennit ; un char à bœufs broya les cailloux de la rue. Tout était paisible. Cette paix ne pouvait distiller du venin.
    — Il n’y a rien à faire, Ogier. Même les plus pourvus en remèdes ne sauront se garantir contre la contagion, et les prières seront vaines… surtout celles du clergé !
    Le mire toussota et parut renoncer à parler davantage. Il se voûtait. Son regard si fier paraissait bien moins vif et son souffle s’était accourci.
    — Il faut que tu reviennes. J’ai confiance en toi pour accomplir…
    — Messire, cette tâche que vous me confierez et dont j’ignore tout, je ferai en sorte de la mener à bien.
    — Elle sera peut-être malaisée.
    Ogier se leva, posa ses mains sur ses reins douloureux et ne put maîtriser un bâillement. Benoît Sirvin sourit :
    — Tu es las… Avant même de la coucher dans ton lit, la damoiselle te fatigue !
    Ogier accepta cette observation sans broncher. C’était vrai que depuis des semaines, depuis qu’il l’avait quittée, Blandine le hantait.
    — Messire, je suis surtout éreinté par la guerre. Peut-être, si quelque bataille avait été gagnée par nous, gens de France, sur les Goddons, serais-je moins destourbé… Nous ne faisons que plier sous leur joug. Si le roi Philippe accepte ces humiliations-là, j’en ai vergogne. Pour moi, pour lui et tous ces nobles, moins nombreux qu’auparavant, qui l’entourent… Pour le royaume également !… Parce que je suis Normand, il m’advient de me sentir du mauvais côté : si mon ancêtre qui franchit la mer dans la barge du duc Guillaume avait, après Hastings, fondé famille dans la Grande île… Adoncques si j’étais Anglais, sans doute ne serais-je pas en l’état où vous me voyez !… Malgré tous ses excès, Édouard est un grand roi. Ses actions, pourtant, ne cessent de m’abalourdir…
    — Vide ta bile, Ogier !… Quelles actions ?
    — Quand, après avoir remonté la Seine, il s’est trouvé à moins
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher