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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer
Autoren: Pierre Naudin
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les gars !… Qu’aucun de vous ne s’éloigne.
    Le vantail béa, dégageant l’entrée. Ogier retrouva le vestibule frais, éclairé par deux chandelles, les puissantes solives aux entrevous d’azur semé d’étoiles d’or et l’échiquier des dalles brillantes d’un nettoiement récent. Odile avait disparu ; à ses pas vifs sur les degrés de l’escalier succédaient, lents, pénibles, ceux du mire accompagnés de frappements de son bâton d’os pareil à une longue vis d’albâtre en lequel les ignorants eussent vu à tort un appendice d’unicorne.
    — C’est toi !… Je t’attendais… J’allais me mettre au lit…
    Benoît Sirvin apparaissait, coiffé d’une aumusse grise et vêtu d’un pelisson de velours pourpre, élimé aux poignets, et dont les pans en lambeaux dissimulaient mal ses pieds nus. La pointe de sa barbe frottait la boucle de sa ceinture ; il s’appuyait lourdement sur son étrange bourdon d’ivoire ou de rohart dont les spires, aux flammes toutes proches, prenaient des reflets d’or mouillés de vermillon.
    — Ma venue tardive… et inopinée doit vous courroucer !
    — Nullement !… Je savais que tu devancerais les prochaines Pâques pour revenir en Poitou… Tu avais décidé d’aller droit sur Poitiers, mais apprenant que la guerre a repris en Saintonge, tu as pensé que la crainte des Anglais pouvait avoir décidé la famille Berland à chercher refuge en nos murs. Les cinq châtelets dont s’enorgueillit Chauvigny devraient, crois-tu, dissuader Derby d’assiéger notre bonne cité…
    — C’est vrai… Mais je serais pareillement venu vous voir si je m’étais rendu tout d’abord à Poitiers… Je dois m’acquitter d’une dette envers vous.
    — Tu me parais solide sur tes jambes ! Il se pourrait même que celle que j’ai sauvée soit plus robuste que l’autre… Nous parlerons plus tard de ce que tu me dois… Tu as dû, passant devant, constater que la maison des Berland est close…
    — Oui, messire.
    — Et tu es toujours épris de cette pucelle… Blandine ?
    — J’ai pour elle, messire, un amour éperdu… La séparation aurait pu l’amoindrir ; elle l’a renforcé au contraire.
    Le mire soupira et, tortillant la pointe de sa barbe :
    — Ces six hommes sont tiens ?… Les bruits de vos chevaux m’avaient attiré à la fenêtre…
    — Ils sont miens et j’en ai quelques autres à Gratot.
    — Tu ne crains plus de montrer ton visage.
    — Mes armes ont été restaurées par le roi Philippe. Ses lettres patentes ont rétabli ma famille dans ses droits et dignité… J’ai même occis Blainville en sa présence [1] .
    — Un seul désir te tient à cœur, maintenant : obtenir la main de cette fille.
    Ogier perdit son sourire :
    — Je souhaite que son père consente à notre mariage. Sachant qui je suis, et apprenant surtout que le roi m’a fait son champion, messire Herbert Berland devrait se montrer envers moi dans de meilleures dispositions que lors des joutes du dernier printemps… Avez-vous de ses nouvelles ?
    Le mire haussa les épaules puis, avec un certain dédain :
    — Tout ce que j’ai appris, c’est que le chevalier Berland s’est remis de ses fractures. Je doute toutefois qu’il puisse tenir la lance, l’écu et l’épée aussi bien qu’auparavant.
    Irritante et presque haïssable, l’image du père de Blandine traversa l’esprit d’Ogier. Il allait devoir convaincre cet homme hautain, qu’il avait dominé en champ clos, du grand estoc [2] des Argouges afin qu’il fût certain que sa fille le pouvait épouser sans déchoir.
    — Garde-toi de t’étourdir, murmura le vieillard. Si tu veux que cette pucelle t’appartienne, il faudra, consentante ou non, que tu l’enlèves aux siens. Le ravissement avant l’enchantement, si j’ose dire !
    Ogier fût insensible à cette moquerie. Au reste, si Benoît Sirvin réprouvait ces amours, c’était pour une raison dans laquelle Blandine n’intervenait pas : l’horreur du mariage. Il exécrait ce sacrement qui plaçait l’homme, et pis encore, le chevalier, en grand état de sujétion devant la femme.
    — J’y ai pensé, messire, à ce… ravissement, et m’inquiète d’autant plus du sort de Blandine qu’on nous a dit, près d’ici, que les Goddons semblaient décidés à surquérir Poitiers.
    Le sourire du mire s’éteignit dans sa barbe tandis que de l’extrémité de son étai d’os spiralé, il titillait le
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