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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer
Autoren: Pierre Naudin
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messire, dit Tinchebraye. Voilà une appertise plus difficile encore que la première.
    — J’en conviens. Je t’emmènerai ainsi que Joubert.
    Le pennoncier accepta gaiement et s’informa :
    — Nous deux seuls ?
    — Moins nous serons, plus nous aurons d’aisance. Nous ferons le tour des murailles et déciderons de la meilleure action à entreprendre, s’il s’en présente une… Vous autres, les gars, resterez à recueillette [10] en ce bosquet. Nous vous y rejoindrons à moins qu’on ne nous ait occis. Chacun pour soi si nous sommes séparés, mais il convient de nous attendre deux ou trois jours à Chauvigny. Passé ce délai, les réchappés reviendront à Gratot.
    — Soit, dit Gardic en plaçant sa guisarme près de celle de Delaunay, appuyée à un tronc. Sans vouloir vous décourager, je ne vois pas comment vous pourrez franchir des parois assiégées par tant de malandrins !
    — Moi non plus. Tout ce que je sais, depuis que j’y suis venu en juillet – en passant par ce qu’on appelle les Dunes et par un pont [11] différent de celui que nous voyons –, c’est qu’une rivière, le Clain , qui miroite là-bas, entoure Poitiers avec, en un endroit, deux gros étangs [12] … Il y a aussi quelques îles… Cette ville est grande et éparse ; il faut donc moult défenseurs aux créneaux. Or, les hommes d’armes sont assez peu nombreux, et les manants, vous le savez, peu aidables en guerre… C’est pourquoi, je crains le pire.
    — On conçoit tout cela, dit Bazire. Si les îles et les ponts ont aidé les Goddons à s’approcher, Dieu veuille que vous puissiez en faire autant !
    — Savez-vous noer [13] tous les deux ?
    — Oui, messire Ogier, dit Joubert.
    — Comme un poisson, foi de Tinchebraye… En somme, toutes ces eaux forment de grandes douves…
    — Oui et non… Les douves ne sont pas traversées par des ponts. Je me souviens que les murailles sont séparées de ces rivières par un large cordon de terre. Les Anglais ont dû s’y établir solidement avec leurs mantelets et muscules, perrières et mangonneaux…
    Joubert, visage rond tacheté de son, sous le chaume d’une coiffure à l’écuelle, épongea son front où le chaperon avait laissé une trace rouge. Il rit :
    — Il ne faut pas compter employer une échelle… Et ces défenseurs, nous voyant tenter d’entrer, pourront nous croire Anglais… Vrai, messire, il nous faut prier pour la réussite de cette entreprise, que je nommerais bien marmouserie si je ne craignais de vous offenser.
    Ogier s’assit au pied d’un chêne et s’efforça de paraître impassible. Il se sentait observé, sans malveillance mais plutôt avec une sorte de commisération : « Jamais il n’entrera. » Il soupira, ferma les yeux et entendit ses compagnons discuter de leurs chevaux, comparer leurs mérites ; leur langage n’eût guère varié s’ils avaient parlé de femmes. Longtemps, il demeura paupières closes, jusqu’à ce qu’une mouche eût chatouillé son nez.
    — Pas vrai, messire, qu’il ferait bon céans si nous étions en paix ? dit le grand Tinchebraye.
    — Oh ! oui.
    Des frissons faisaient chuchoter les feuilles ; certaines, jaunies à mort, tombaient en voletant ; les vertes tenaient bon par touffes ou brassées. Parfois, un coup de vent courbait un buisson ; au loin, au ras des tours et des murailles, le ciel s’ennuageait davantage : rouges, ors et gris de toute espèce. Que serait-ce quand les Goddons prendraient la ville !… C’était une journée chaude, veloutée, propice aux labours et vendanges… Et le sang coulait, et les dévastations iraient en empirant. Il y avait de quoi être accablé, indigné par cette certitude : chaque grain de temps aggravait les périls de plus en plus serrés autour de Blandine… Que faisait son père ? Le seigneur des Halles de Poitiers commandait-il quelque part ? Tour, bretèche, courtine, barbacane – s’il en existait une ?
    — Tenez, messire, dit Delaunay.
    Ogier saisit une tranche de pain enduite de pâté.
    — Mangeons, compères ! Lehubie et Bazire, que cela ne vous empêche pas d’épier l’ennemi.
    — Vivement la nuit ! dit Joubert. Au soir de Crécy, je m’étais dit que jamais plus je n’affronterais ces démons… Et voilà que ça va recommencer ! Depuis quelque temps, je crois être sur une pente et glisser, glisser sans rien trouver pour me retenir…
    — Glisser vers quoi ?
    — Tiens donc, messire
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