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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés
Autoren: Pierre Naudin
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énorme.
    LES ÉMAUX ET LES MEUBLES
    Jean de Grailly, captal de Buch, fut traité sans pitié, en septembre 1364, lorsqu’il tomba au pouvoir d’un roi morbide et maladif, incapable de tenir une épée, une lance : Charles V. Ce fut sans doute la dernière grande dégradation – hypocrite car sans témoin –, suivie d’une mort horrible, au Temple, sous les regards discrets d’un roi et d’un favori sans scrupule.
    Voir ses armes souillées et leurs meubles « rompus » devait être, pour ceux que l’on accablait d’insultes, quelque chose de pire que des horions et des saignées.
    Certains seigneurs dont les blasons n’avaient pas eu à souffrir les tenaient cependant enveloppés d’une housse jusqu’à ce qu’ils fussent en guerre ou en tournoi. Les coups de lance ou d’épée qu’ils y recevaient alors devaient en couper et lacérer le voile, révélant ainsi à quelle famille appartenaient ces prud’hommes et prouvant ab irato qu’ils étaient dignes d’en porter le nom et les armes.
    « Souvent, ils se contentoient d’un écu blanc ou d’une seule couleur en attendant que les circonstances les déterminassent sur le choix des pièces de leur blason auquel le nom et le cri d’armes, qui servait de signe pour se reconnoitre dans les combats, devait faire allusion autant qu’il était possible [261]  »
    L’important, sur l’écu, est l’émail du fond : de sable au… de gueules à… Ce fut longtemps le seul et capital élément de base, les meubles variant selon les circonstances et les goûts de chacun. Ce qui, d’ailleurs, est parfaitement logique : si chacun pouvait se choisir et exhiber un blason (même les manants), seules les bannières de bataille devaient porter un signal simple de ralliement à une, deux, éventuellement trois couleurs visibles de loin (alors que le ou les meubles restaient imperceptibles à une certaine distance). Les plus nobles et anciens blasons ne présentaient, ainsi, que des aplats violemment colorés. Les meubles n’y furent ajoutés que dans un but de différenciation dans une même famille ou lors d’un morcellement de fief (car le blason était attaché aussi bien à un fief temporaire qu’à une famille fixe, et un individu abandonnait parfois son blason personnel pour celui de son fief attribué).
    Les meubles ne faisaient que « meubler » pour la satisfaction personnelle ou pour rappeler un fait remarquable. Par exemple, les besants remémorent la solde accordée par l’empereur de Byzance à une partie des croisés ; le croissant de lune suggère le combat de la croisade ; la croix ou les croisettes, la consécration du Seigneur crucifié à Jérusalem. (Plusieurs croisettes signifient parfois l’accomplissement de plusieurs croisades.)
    Il arriva, plus tard, qu’avec les mêmes meubles, le fond ait été changé. On pourrait comprendre, alors, que le porteur du blason ait eu tendance à se réclamer d’une parenté plus ou moins proche avec le tenant du vrai blason, sans toutefois appartenir vraiment à la lignée en question – ou bien d’une manière détournée.
    Les pièces honorables sont toujours géométriques alors que les meubles sont indéfinis et « au choix », toutefois dans un cadre précis lorsque l’héraldique est encore pure de « bourgeoisisme ». Il existe des exemples de blasons non nobles et pourtant anciens (sépultures notamment) qui n’hésitent pas à arborer croissant, croisette, etc., sans inconvénient puisque ce n’étaient que des blasons et non des armes militaires.
    Près de Saint-Sauveur-le-Vicomte subsistent les restes imposants du manoir Desmaires, dont une double porte d’entrée (porte charretière et porte piétonne), très belle. Au-dessus, une dalle scellée porte le blason des Maires (hermines en sautoir, couleurs inconnues) à l’envers. Une ferme tradition soutient que cette diffamation fut imposée à la suite de la prise de position du tenant en faveur de Godefroy d’Harcourt, au début de la guerre de Cent Ans. L’on en peut douter. Si les Maires ou des Maires étaient encore en possession de leur fief, c’est qu’il n’y avait pas eu de trahison caractérisée, mais seulement une action déshonorante de leur chef, ne justifiant point saisie des biens.
    Au XV e  siècle finissant ou au début du XVI e siècle, une amnistie, un pardon auraient pu intervenir pour un acte du XIV e  siècle. Aussi le mystère reste-t-il entier. Aucune trace dans les archives
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