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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus
Autoren: Robert Margerit
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d’eux-mêmes.
    — Je ne les attaquerai pas, dit Louvet. Je n’ai rapporté ici aucun esprit de vengeance, et je vois trop, tu as raison, le royalisme relever la tête au milieu de la jeunesse dorée. »
    Lanjuinais haussa les épaules. « Mounier est toujours plein des meilleures intentions, » dit-il non sans ironie. Et il ajouta rudement : « Il n’y a pas d’union possible avec des criminels, il n’y a pas de république possible avec la canaille. » Là-dessus, il s’écarta. Les groupes se défaisaient, car les huissiers lançaient leur appel : « En séance, citoyens ! En séance, s’il vous plaît. »
    « Lanjuinais est revenu plus Feuillant, plus obstiné encore qu’en 93. Pourtant je conserve la sympathie que j’ai toujours eue pour lui, » constata Claude en se dirigeant avec Louvet vers le bref couloir par lequel les députés accédaient à la salle de la Convention, comprise entre la salle de la Liberté et le pavillon de Marsan.
    Aux deux extrémités du long vaisseau où le vert et le jaune du décor à l’antique, imitant le marbre, se mariaient avec les draperies vertes relevées par des cordons pourpres, le public manifestait bruyamment. Le muscadin Réveil du peuple et la Marseillaise accueillirent les représentants. Tout d’un coup, le vacarme cessa : les députés avaient gagné leurs places sur les banquettes de l’hémicycle ; Thibaudeau sortant, avec les secrétaires, du salon masqué par une tenture, venait d’apparaître sur l’estrade. Il monta au fauteuil, se découvrit. « Citoyens, la séance est ouverte, annonça-t-il. L’ordre du jour appelle l’audition des représentants décrétés. »
    Il s’assit et commanda de les introduire. Billaud, Collot, Barère s’installèrent en silence autour du bureau : Billaud sombre, avec sa mise sévère, sa petite perruque rousse à l’anglaise, Collot ne renonçant pas à ses airs de comédien, Barère toujours soigné. Quant au vieux Vadier, profitant de ce qu’il était simplement en surveillance chez lui, comme ses trois co-accusés, il avait trouvé moyen de fausser compagnie à ses gardes et de disparaître.
    « La parole, dit Thibaudeau, appartient…
    — Motion d’ordre ! coupa Robert Lindet resté avec Carnot, Prieur et Claude, debout près de l’estrade. Je demande à être entendu sur le fond, avant toute explication personnelle. »
    Des protestations s’élevèrent à droite. On s’y doutait bien de ce que préparaient les membres difficilement attaquables des anciens Comités.
    « La parole est aux prévenus, proclamaient d’ex-Dantonistes. Leurs accusateurs ou leurs défenseurs parleront après. » De sa place, Bourdon de l’Oise déclara : « Hier, on a tramé un complot pour sauver les accusés ; les bons citoyens l’ont déjoué. Aujourd’hui, on recourt à d’autres moyens dans un dessein identique. Des hommes honnêtes, que l’accusation a séparés de leurs collègues, ne doivent pas s’associer aux coupables pour retarder le cours de la justice.
    — Il ne s’agit pas de cela, répliqua fermement Lindet. À travers nos collègues, on attaque tout le Comité. Nous étions solidaires. C’est le Comité que je prétends défendre. Je réclame la parole. »
    On n’osa point passer outre. Celui qui s’était refusé à signer l’arrestation de Danton, en disant : Je suis ici pour nourrir les citoyens, non pas pour tuer des patriotes, imposait encore le respect. Il gravit les marches d’acajou conduisant à la tribune et entama un discours méthodique, clair, impartial. Il parla très longtemps, dépeignant l’énormité de l’œuvre accomplie, les circonstances dramatiques dans lesquelles il avait fallu gouverner. Il reconnut que la violence des partis, acharnés les uns contre les autres, s’était peut-être répercutée au sein du Comité ; mais, pour assurer le salut de la république, on devait, qu’on le voulût ou non, frapper toutes les factions qui la mettaient en danger. Interrompu maintes fois par des girondistes exaltés, comme Isnard, Henry-Larivière, et par d’ex-Dantonistes également incapables de reconnaître leurs fautes, il conclut non sans hauteur : « S’il existe des coupables, ne les cherchez pas dans le Comité de l’an II. Il a sauvé la France, vaincu l’Europe, étonné le monde. Le vrai responsable, c’est la Convention tout entière, car vous avez sanctionné nos arrêtés, vous nous avez confirmés dans nos fonctions à
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