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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus
Autoren: Robert Margerit
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tous les renouvellements. »
    Carrier, le bourreau de Nantes, lors de son procès, en novembre dernier, avait dit, à cette même tribune : Tout est coupable ici, jusqu’à la sonnette du président.
    « Prenez-y garde, poursuivit Lindet, la lâcheté vous perdrait. Les ennemis de la république n’attendent que le moment favorable ; ils ont choisi pour aujourd’hui quatre d’entre vous ; ils se réservent de désigner les autres. »
    La Montagne applaudit, la droite protesta furieusement, quelques approbations partirent du centre. Le public, déçu par cette séance si différente de ce qu’il escomptait, était resté à peu près passif.
    Le lendemain, il ne vint qu’en petit nombre. La fièvre semblait éteinte, du moins autour des Tuileries où tout se montrait calme. Les gardes nationaux en renfort avaient disparu ; seuls demeuraient les factionnaires habituels. Mais, cantonnée dans les faubourgs, l’effervescence s’y amplifiait sous l’influence de certains Montagnards extrêmes qui excitaient sourdement le peuple – et aussi, très probablement d’agents royalistes, pensait Claude.
    Ce 3 Germinal, Carnot à son tour prit la défense de l’ancien Comité. Plus exactement, sous couleur de le justifier, il cherchait à tirer du jeu sa propre épingle. D’abord, il affirma qu’il s’était, le premier au pavillon de l’Égalité, rebellé contre Robespierre et Saint-Just. Il disait vrai ; il les avait traités de tyrans ridicules. Prieur et Claude confirmèrent d’un signe. Puis, sans oser nier entièrement la solidarité des commissaires, Carnot présenta les choses à sa façon. « Accablés de soins immenses, exposa-t-il, ayant jusqu’à trois et quatre cents affaires à régler par jour, nous signions une multitude de pièces sans les lire. Je signais des mises en accusation, et mes collègues signaient des ordres de mouvement, des plans d’attaque, sans que ni les uns ni les autres nous eussions le temps de nous expliquer. La nécessité de cette œuvre immense avait exigé cette dictature individuelle, qu’on s’était réciproquement concédée à chacun. L’ordre d’arrêter l’un de mes meilleurs employés à la Guerre, ordre pour lequel j’attaquai Saint-Just et Robespierre et les dénonçai comme des usurpateurs, cet ordre je l’avais signé sans le savoir. Ainsi notre signature ne prouve rien ; elle ne peut nullement devenir la preuve de notre participation aux actes reprochés à l’ancien gouvernement. »
    Claude et Prieur s’entre-regardèrent. Carnot en prenait à son aise avec la réalité ! Oui, on contresignait sans les lire les pièces de routine, mais aucune décision un peu importante n’était jamais arrêtée qu’en commun. Carnot ne pouvait pas prétendre n’avoir point participé en pleine connaissance de cause aux actes dont on accusait le Comité, notamment à l’arrestation de Danton et de ses amis. Il était intervenu dans la discussion en observant : « Songez-y bien, une tête comme celle-ci en entraîne beaucoup d’autres ! » Après quoi, au contraire de Lindet, de Ruhl, il avait signé sans hésitation. Il n’aimait guère plus Danton qu’il n’aimait Robespierre, Couthon et Saint-Just. Au fond de lui-même, bien qu’ayant activement poussé au 10Août, Carnot était un Feuillant.
    Il cherchait maintenant à faire entendre, sans trop le dire, car c’eût été difficile à soutenir, que le Comité comprenait deux sortes de membres. Les uns, purs administrateurs, se consacraient exclusivement à leur travail de direction et d’organisation, sans s’occuper ni rien savoir de ce que manigançaient les autres : les politiques, seuls responsables des excès terroristes. Toutes les fautes, il les rejetait ainsi sur les triumvirs morts – et sur quelques collègues vivants, Billaud-Varenne et Collot d’Herbois n’étant pas entrés au Comité à cause de leurs qualités administratives, mais comme ultra-révolutionnaires imposés par les Hébertistes. Carnot dit toutefois à leur décharge que les accusés avaient résolument combattu le triumvirat au sein du Comité, et qu’il fallait considérer Billaud et Collot comme les principaux artisans du renversement de Robespierre.
    Prieur puis Claude appuyèrent aussi là-dessus et s’en tinrent sobrement à se déclarer solidaires de leurs collègues. Cambon, Moïse Bayle voulurent défendre, l’un le Comité de Salut public, l’autre celui de Sûreté générale. Ils
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