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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus
Autoren: Robert Margerit
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ce traître vivrait encore ! Au demeurant, Billaud avait raison lorsqu’il affirmait hier, que le terrorisme n’aurait pas existé sans l’inconcevable aveuglement des Girondins puis la politique insensée des Dantonistes. Si Danton n’avait pas enchéri sur Hébert, Barère n’aurait pu proclamer : “Portons la terreur à l’ordre du jour”. »
    Claude, un instant, ferma les yeux, s’efforçant de faire en lui le silence. Ce qu’il brûlait de dire, il devait le taire. Tout ce qu’ils avaient accompli ensemble, ils devaient en assumer ensemble la responsabilité.
    Collot, avec un bel élan d’acteur, était en train de déclarer : « Nous avons fait trembler les souverains sur leurs trônes, renversé le royalisme à l’intérieur, préparé la paix par la victoire. Qu’on nous condamne ; Pitt et Cobourg seront seuls à s’en féliciter. »
    Encore une fois la sonnette retentit. Thibaudeau lança : « La parole est à Ysabeau pour une communication pressante du Comité de Sûreté générale.
    — Citoyens, dit Ysabeau, une tentative de soulèvement vient de se produire dans le quartier du Temple. Les femmes qui se sont présentées à la Convention avaient été rassemblées rue du Vert-Bois par des agitateurs, et envoyées ici pour occuper votre attention. Pendant ce temps, les meneurs couraient chez le président de la section des Gravilliers, lui enlevaient violemment les clefs de la salle, allaient y former une nouvelle assemblée. Ils nommèrent un président, un bureau et lurent l’article de la Déclaration des droits qui proclame l’insurrection comme un devoir lorsque la Constitution est violée. Ils exhortèrent les assistants à marcher sur la Convention pour obtenir du pain, la Constitution de l’an II, la libération des patriotes détenus. Avertis par quelques bons citoyens, nous avons fait ramener les femmes aux Gravilliers par des patrouilles. Bourdon de l’Oise est parti avec l’une de celles-ci pour dissoudre cette assemblée illégale. »
    Peu après, Bourdon revint, annonçant que ladite assemblée avait d’abord refusé de se séparer ; mais en voyant la force armée prête à agir, les rebelles s’étaient dispersés. On connaissait les meneurs, d’ex-Hébertistes obscurs. Les agents de la Sûreté générale se trouvaient à leurs trousses et les arrêteraient incessamment. « Ce sont, ajouta Bourdon, de misérables comparses. Les vrais auteurs de ce complot contre la représentation nationale, comme les auteurs des deux tentatives précédentes de cette décade, siègent ici-même, vous le savez. Vous ne vous délivrerez d’une menace permanente qu’en débarrassant la Convention des éternels conspirateurs. »
    Ce disant, Bourdon désignait des yeux non seulement les accusés, mais encore l’autre Bourdon, Léonard : le Léopard, et Fouché qui promenait impassiblement son pâle regard d’albinos sur la salle où la jeunesse dorée clamait : « À bas les jacobins ! Vive la Convention ! » et les patriotes : « À bas les aristocrates ! Vive la République ! »

III
    Depuis le 18 mars, Claude s’était séparé de sa femme et de son fils. Le petit Antoine, né le 25 Brumaire an III, c’est-à-dire le 15 novembre 1794 – quatre jours après la fermeture du club des Jacobins par le ci-devant boucher et ex-président du club des Cordeliers, Legendre – venait d’entrer dans son cinquième mois. Lise l’allaitait et avait besoin d’une nourriture substantielle, introuvable à Paris quand on ne disposait pour toute fortune que de l’indemnité allouée aux représentants. Sans doute celle-ci était-elle passée de dix-huit à trente-six francs par jour ; mais, avec la dépréciation constante des assignats, il fallait donner douze francs pour une livre de pain, treize pour un chou – qui coûtait de quinze à vingt sous l’année précédente, – cent vingt francs pour un boisseau de haricots. On vivait beaucoup mieux dans les villages aux environs immédiats. Or la sœur de Lise, Thérèse Naurissane, et son mari, le ci-devant maître de la Monnaie, à Limoges, dégoûtés du Limousin après ce qu’ils y avaient subi, et venus s’installer dans la capitale, s’étaient bientôt transportés à Neuilly d’où Naurissane se rendait aisément au Palais-Royal. Il spéculait à la bourse du perron. Comme tant d’autres, il achetait, vendait, rachetait, revendait n’importe quoi, souvent même des marchandises inexistantes.
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