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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus
Autoren: Robert Margerit
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habit bleu qui faisaient la police des antisalles et des couloirs – se mêlait aux représentants assis sur les banquettes pourpres ou debout çà et là par groupes. Près du socle supportant l’énorme statue de la Liberté en plâtre patiné bronze, Claude avisa Louvet, Lanjuinais, Kervelgan.
    Depuis longtemps, les Girondins proscrits le 2Juin étaient sortis de leurs prisons ou de leurs cachettes et revenus à Paris ; ils n’avaient cependant repris leurs sièges à la Convention que depuis treize jours, réintégrés par un décret du 18 Ventôse. Entre-temps, Louvet, pour vivre, avait ouvert une librairie au Palais-Égalité (que la jeunesse dorée appelait de nouveau Palais-Royal), en association avec la veuve du malheureux Gorsas. Il y vendait non point Faublas, mais l’ Histoire de mes périls, composée dans son dernier asile parmi les montagnes du Jura. Claude voulait lui dire un mot là-dessus.
    « Mon cher Louvet, j’ai lu tes Mémoires et j’ai été heureux d’apprendre que tu avais trouvé secours et protection dans ma ville, à Limoges. Toutefois, tu te trompes fort quand tu écris qu’ensuite si Billaud-Varenne et Collot d’Herbois t’avaient su caché à Paris chez ta femme, ils vous auraient envoyés tous deux à la guillotine.
    — Comment ça, je me trompe ?
    — Ils n’ignoraient point où te prendre, je puis te l’affirmer. Si tu ne me crois pas, demande à Legendre de chercher dans les cartons de la Sûreté générale à cette époque ; il y trouvera un rapport de Jagot, lu à la réunion des deux Comités et signalant ta présence rue je ne me rappelle plus laquelle, dans un appartement loué par ta femme sous son nom de jeune fille.
    — Par exemple ! s’exclama le petit homme, interdit.
    — Cette lecture n’a pas eu de suite. Trois mois plus tôt, il n’en aurait peut-être pas été de même ; mais à ce moment le fédéralisme agonisait, ce n’est pas toi qui l’eût relevé. Nous te savions républicain dans l’âme, capable, comme Rebecqui désabusé, de te suicider plutôt que de donner la main au royalisme. Enfin Billaud n’est pas dénué de sentiment, lui aussi il a une belle femme qu’on lui a longtemps refusée, et il l’aime. »
    À ces mots, le bouillant Kervelgan éclata. « Pour le coup, Mounier-Dupré tu nous promènes ! Billaud-Varenne sentimental ! Billaud-Varenne respectant les vrais républicains ! N’en sommes-nous pas, nous les Soixante-Treize, et Billaud n’a-t-il pas cent fois, avec Collot d’Herbois, avec les Cordeliers enragés, avec l’ignoble Père Duchesne, réclamé notre envoi à l’échafaud, quand nous étions en prison, incapables d’agir ? Et ne savons-nous pas que si nous existons encore c’est parce que certains membres du Comité de Salut public, dont Robespierre, il faut bien le reconnaître, ont constamment refusé nos têtes à Billaud, Collot et au Comité de Sûreté générale ? Tu es de ceux à qui nous devons la vie, je ne l’oublierai point ; mais, je t’en prie, ne viens pas essayer de blanchir à nos yeux ces hommes dégouttants de sang !
    — En somme, à quoi veux-tu en arriver ? demanda Lanjuinais.
    — À ce que j’ai toujours cherché et prêché : l’union de tous les républicains sincères. Si, la dernière fois que je me suis adressé à vous, les girondistes, du haut de la tribune, Isnard, Guadet, Barbaroux avaient consenti à entendre mes adjurations, et toi aussi, Louvet, il n’y aurait pas eu de 31Mai ni de 2Juin. Vous avez poussé à bout la Montagne, elle a répondu par la Terreur. Ne soutenez pas à présent ceux qui sont en train de pousser à bout les Crêtistes, si vous ne souhaitez pas une nouvelle convulsion dont profitera, cette fois encore, le seul royalisme. Car le 31Mai, à tout prendre, ne fut une victoire que pour les ennemis de la république. Ni Danton, ni Robespierre, ni Marat ne le voulaient. Ils sentaient bien le danger d’entamer la représentation nationale. C’est à partir de là, en effet, qu’elle a commencé de se décapiter elle-même.
    — Allons donc ! protesta Kervelgan, qui aurait fait, hormis eux, les 31Mai – 2Juin ?
    — Les Enragés, au moyen du Comité de l’Évêché. Et derrière ces neuf-là il y avait, j’en jurerais, le baron de Batz. Lui et ses amis n’ont pas renoncé à obtenir que nous nous entre-détruisions. Croyez-moi, laissez en paix Billaud et les autres ; ils n’ont plus de ressources, ils disparaîtront
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