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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus
Autoren: Robert Margerit
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qu’il ne réussira pas, ou je me trompe fort. »
    Dubon se leva. « Comment vont Lise et le petit ? questionna-t-il.
    — Parfaitement. L’air de Neuilly leur réussit à merveille. Antoine forcit de jour en jour. Il est superbe.
    — Ta sœur et Claudine se disposent à les aller visiter aujourd’hui même. »

II
    Deux heures plus tard, vers midi, lorsque Claude sortit pour se rendre à l’Assemblée, le Carrousel avait pris son aspect des jours sinon d’émeute au moins de trouble. Il faisait gris et froid comme la veille. Sur la place et dans la cour du Palais national, séparées par la grille aux flèches dorées, au milieu des badauds qu’attirait l’espoir d’assister à quelque rossée, des groupes de patriotes accompagnés de ménagères en fichu et bonnet, déambulaient en chantant la Marseillaise. D’autres criaient : « Vive la République ! Vive les Jacobins ! À bas les aristocrates ! » Les jeunes gens venus en force du Palais-Égalité avec leurs collets noirs ou verts, leurs grosses cannes, les cheveux tressés en cadenettes à la façon militaire, répliquaient par des : « Vive la Convention ! À bas les Jacobins ! À bas les terroristes ! » et scandaient le Réveil du peuple, un chant lancé deux mois plus tôt par le Messager du soir, journal thermidorien, pour l’anniversaire de la mort de Louis XVI :
    Peuple français, peuple de frères,
    Peux-tu voir sans frémir d’horreur
    Le crime arborer les bannières
    Du carnage et de la Terreur ?…
    Hâte-toi, peuple souverain,
    De rendre aux monstres du Ténare
    Tous ces buveurs de sang humain !
    Guerre à tous les agents du crime !
    Poursuivons-les jusqu’au trépas ;
    Partage l’horreur qui m’anime !
    Ils ne nous échapperont pas…
    Ces muscadins avaient provoqué de petites rixes en voulant empêcher les femmes de pénétrer dans le palais, mais des patrouilles de gardes nationaux bourgeois, en habit bleu à revers blancs, culotte blanche, étaient intervenues pour maintenir l’ordre. Des réserves se tenaient, l’arme au pied, sous les érables et les sycomores dont les rangées divisaient en trois la vaste cour. Au fond, le vieux château des Médicis, théâtre de toutes les scènes révolutionnaires depuis octobre 1789, élevait ses pavillons carrés : celui de Flore (de l’Égalité) accolé au Louvre, celui de l’Horloge (de l’Unité) que ne sommait plus le bonnet rouge sans-culotte, mais seule désormais l’oriflamme tricolore, celui de Marsan (de la Liberté), reliés les uns aux autres par les ailes plus basses. Devant celle de droite, au long des arcades par lesquelles le public gagnait les couloirs d’accès à ses places dans la salle de la Convention, s’alignait une file de grenadiers grandis par le bonnet à poil, baïonnette au canon. Bien que les muscadins eussent assurément toute leur sympathie, les gardes obéissaient à la consigne ; ils interdisaient l’entrée aux porteurs de cannes ou les obligeaient à les déposer.
    La Convention devait, ce 2 Germinal, se prononcer sur le sort des députés, anciens membres des Comités de gouvernement, Billaud-Varenne, Collot d’Herbois, Barère, Vadier, contre lesquels la droite avait déjà obtenu un décret d’accusation. Il s’agissait à présent de savoir s’ils seraient décrétés d’arrestation ou blanchis. Évidemment, les patriotes et les Thermidoriens mobilisaient leurs partisans pour soutenir, les uns la Crête, les autres la Plaine, au cours de ce débat.
    Dans le pavillon de l’Unité tapissé de boutiques, plein d’allants et venants, Claude tomba sur Sieyès et Cambacérès arrivant – par le long couloir qui traversait toute l’aile gauche – de l’ancienne chambre de Marie-Antoinette où siégeait toujours le Comité de Salut public. Cambacérès le présidait maintenant. Sieyès venait d’y entrer. Il n’eût point déparé le grand Comité, lui, l’audacieux inspirateur des États généraux, le meneur de la première Assemblée nationale, l’éminence grise de la Convention sous la Terreur. Mais Cambacérès à la place où avaient régné un Danton, un Robespierre ! Signe des temps ! Cette présidence même peignait le personnage. Au début, à l’époque de Danton, il existait bien, en principe, un président ; cela n’avait pas duré, et par la suite le seul titre que l’on connût dans le salon blanc et or, même au moment où la personnalité de Robespierre dominait, était celui,
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