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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus
Autoren: Robert Margerit
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enfermée sitôt faite. Après les désordres par lesquels nous avons passé, nul n’y peut plus songer sérieusement. Elle perpétuerait l’anarchie.
    — Sans doute. En son temps, elle ne me semblait pas irréalisable ; mais il est certain que la Montagne, après l’expulsion des Girondins, lors des 31 mai-2 juin, l’a votée surtout pour démontrer qu’eux seuls paralysaient nos travaux. D’ailleurs, tout régime constitutionnel était impossible. Il fallait la rigueur d’un gouvernement révolutionnaire pour terrifier les royalistes, réprimer le fédéralisme, dresser la nation contre les armées étrangères. Maintenant les rois sont soit vaincus soit en passe de l’être, le fédéralisme n’est plus qu’un souvenir, l’Ouest a fait sa soumission, Hoche achèvera de le pacifier. Le gouvernement révolutionnaire doit céder la place au régime constitutionnel, la nation le réclame avec raison.
    — Bien entendu. Toutefois ce régime, même aux yeux d’un démocrate tel que moi, ne saurait être le gouvernement du peuple par lui-même, comme l’établit la Constitution de 93, mais le gouvernement du peuple par ses représentants élus. C’est cela que nous voulons depuis 89. Le véritable État républicain n’a aucun rapport avec les insurrections perpétuelles, ni avec le désordre qui n’a cessé de régner depuis six ans.
    — Mon cher Jean, tu parles d’or. Seulement pense à ce petit détail : si l’on forçait la Convention à proclamer la Constitution de 93, la menace qui plane sur les ci-devant terroristes, sur Billaud-Varenne, Collot d’Herbois, Barère, Amar, Vadier et sur tous les membres des anciens Comités, dont moi-même, serait levée. Comprends-tu, mon ami ? »
    Dubon hocha rêveusement la tête. « Et alors ?
    — Je ne proposerai jamais que l’on tire ce parchemin de son cercueil, répondit Claude en se levant et se mettant à marcher de long en large. Je ne tenterai rien non plus pour soutenir ceux de mes collègues qui, par crainte ou par politique, veulent l’exhumer. La Montagne a perdu son âme en abattant Saint-Just avec Robespierre. Billaud s’en mord les doigts à présent. C’est trop tard. Ce jour-là, les patriotes rectilignes ont livré la république aux bourgeois modérés. On ne la leur reprendra plus. L’espérance d’une égalité complète s’est éteinte avec Saint-Just, si elle a jamais existé. J’y ai cru, mais c’était un songe qui ne tenait pas compte de la force des choses ni du caractère des hommes. Reste à préserver la liberté et ce qu’une république bourgeoise peut admettre d’égalité. Pour cela, tout démocrate raisonnable, comme tu le dis, doit marcher avec les modérés afin de s’opposer au royalisme dont les hébertistes obstinés font inconsidérément le jeu. En ameutant le peuple, ils procurent à ses ennemis autant d’occasions de le présenter comme un épouvantail, de le fouler, de lui remettre les chaînes.
    — Ma foi, remarqua Dubon, ne faudrait-il pas chercher les responsables parmi les agents étrangers ou ceux des princes, plutôt que chez les anciens terroristes ? Car enfin le décret d’accusation porté contre Billaud, Collot, Vadier, Barère, doit les inciter à se tenir tranquilles.
    — Eux, oui, du moins en apparence. Mais Bourdon le Léopard s’agite à l’assemblée sectionnaire des Gravilliers, raconte-t-on. Duhem, le ci-devant évêque Huguet, Maribon-Montaud vont chuchotant dans les cafés : “Le peuple se soulèvera, il faut qu’il se soulève.” Comment le pourrait-il ? Le bon Santerre, qui n’en veut pas à ses amis de l’avoir envoyé en prison pour s’être montré piètre général dans l’Ouest, dit fort justement : “En anéantissant la municipalité de Paris, les ventres dorés ont à jamais frappé d’impuissance le peuple parisien ; il ne lui reste que la capacité de souffrir.” Santerre se refuse à lancer le faubourg dans une aventure destinée à finir inévitablement par de terribles représailles. Pourtant des aveugles veulent une journée. Ils se sont essayés, hier. »
    Comme Dubon demandait ce qui s’était passé au juste, Claude se rassit et lui expliqua : « Oh ! on a employé la vieille méthode. On a mené aux Tuileries un gros de sans-culottes, je te le répète. On nous a présenté une pétition. Seulement les sans-culottes, quoique nombreux pour la période actuelle, étaient à peine un millier, et la pétition fort prudente.
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