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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus
Autoren: Robert Margerit
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qui-vive, gibernes approvisionnées, avec des flanqueurs et des éclaireurs. D’où sa prompte intervention.
    Rentré le soir même à Paris sans autre incident, Dubon jugea opportun, après avoir adressé son rapport à Boissy d’Anglas, d’aviser le Comité de Sûreté générale. Il s’y rendit le lendemain à la première heure. Puis, en quittant l’hôtel de Brionne, il monta voir son beau-frère Mounier-Dupré, qui habitait toujours là, au coin du Carrousel, rue Nicaise. La grosse Margot ouvrit la porte. Claude, dans sa chambre, se rasait devant un miroir pendu à l’espagnolette. En silence, il écouta Dubon lui narrer son aventure.
    « Mon cher Jean, dit-il ensuite, c’est tous les jours que l’on apprend des choses de ce genre, depuis quelque temps. Bô de l’Aveyron, en mission dans la Somme, a été attaqué, renversé, traîné par les cheveux, piétiné ; ses gendarmes ne l’ont qu’à grand-peine dégagé in extremis. Avant-hier, la correspondance lue à l’Assemblée contenait une lettre envoyée de Bourg-Égalité par Garnier de Saintes et réclamant de la troupe, car on a pillé les greniers nationaux ; il a dû désarmer la commune tout entière qui était organisée en corps de brigands, assure-t-il. À l’en croire, celle de Rebois serait pire encore, et il ne dispose pas de forces suffisantes pour ramener l’ordre.
    — Si les commissaires de la Sûreté générale montraient de l’énergie, la situation changerait. Que crois-tu qu’ils aient fait quand je leur ai parlé de mon homme en noir ? Ils ont levé les mains au ciel. Au temps où il présidait les Cordeliers, Legendre avait un peu plus de nerf. À présent, c’est devenu un jouisseur. Comme tant d’autres, hélas ! »
    Claude s’ébrouait dans la cuvette. « Les commissaires, dit-il en s’essuyant, ne peuvent pas grand-chose. Déjà la multitude des contre-révolutionnaires paralysait le grand Comité alors que la guillotine les menaçait à toute heure. Actuellement, il y a dans Paris et aux alentours cent fois plus de séides royalistes, appointés ou bénévoles, que la Sûreté générale ne possède d’agents – parmi lesquels les traîtres ne manquent assurément pas. Au reste, il se pourrait parfaitement que ton homme, si ce n’était le baron de Batz en personne accompagné par sa maîtresse, fût le propre maire de Bondy avec sa femme. La plupart du temps, les municipalités excitent elles-mêmes le peuple à la révolte, tu le sais bien. Voilà le résultat de la politique thermidorienne. Depuis huit mois que les anciens Montagnards descendus dans la Plaine ne cessent de pousser à la réaction, pourquoi les contre-révolutionnaires se gêneraient-ils ?
    — Tallien, Barras, Legendre ne souhaitent sûrement pas que Paris meure de faim, et il y a un moyen très efficace de contrecarrer les royalistes qui veulent affamer la population pour l’exaspérer contre le gouvernement. C’est d’escorter fortement les convois avec des troupes de ligne, comme je le demande à Boissy d’Anglas. Il faudra en venir à cette mesure, car, je le répète, si l’on ne rétablit promptement un peu d’ordre le ravitaillement de Paris cessera.
    — Sieyès a présenté hier à la Convention la loi « de grande police » dont on parlait dans les antisalles et les couloirs. Tu n’as pas lu Le Moniteu r  ? s’enquit Claude en roulant sa cravate.
    — Pas encore. Je sais néanmoins qu’il s’est produit du tumulte ici. Notre Bernard m’en a touché un mot tout à l’heure. Les collets noirs et les patriotes se sont houspillés autour du Palais national, paraît-il.
    — Oui. Deux ou trois freluquets ont fait connaissance avec le Grand Bassin. Après quoi les muscadins, renforcés, ont pris leur revanche.
    — Tout cela n’a rien de nouveau, observa Jean.
    — La nouveauté tient à ce qu’il ne s’agissait pas, comme d’habitude, d’une poignée d’ouvriers en chômage ou de femmes réclamant du pain. C’était un gros de sans-culottes mobilisés pour la circonstance afin d’obliger la Convention à proclamer la Constitution de 93. Et, crois-moi, ils nous ont mis dans un bel embarras… Mais viens, veux-tu ? Laissons Margot nettoyer la chambre. »
    Ils passèrent dans le petit salon-bibliothèque et s’assirent près de la cheminée. Au fond de l’âtre, rougeoyait un feu misérable.
    « La Constitution, dit Dubon, se trouve fort bien dans l’arche en bois de cèdre où vous l’avez
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