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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus
Autoren: Robert Margerit
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d’ailleurs très vague, de Barère, secrétaire. Cambacérès, très sensible aux honneurs, au prestige, avait rétabli la présidence. Selon certaines mauvaises langues, il la devait uniquement au soin qu’il prenait d’entretenir pour ses collègues un excellent buffet, proche du salon. Commérages. Il y avait toujours eu, dans les petits cabinets donnant sur la cour, des tables avec des plats préparés pour les commissaires qui pouvaient se restaurer là rapidement quand leurs travaux les retenaient au pavillon de l’Égalité, c’est-à-dire presque tous les soirs. Peut-être Cambacérès, gourmet et gourmand, raffinait-il sur les menus ; mais il devait en vérité sa présidence à un sens très réel de l’organisation, de l’ordre, des formes, et à son influence sur les modérés dont il incarnait à merveille l’esprit.
    « Eh bien, lança Claude, vous allez sonner l’hallali des terroristes ?
    — Pas pour ma part, répondit le maigre Sieyès. Je n’ai aucune envie de jouer de la trompe.
    — Bah ! fit Cambacérès, corpulent et solennel, je ne tiens nullement à les envoyer en prison, mais il faut en finir avec la queue d’Hébert après celle de Robespierre. Il faut nous délivrer des éternels agitateurs, des hommes de sang.
    — À ce compte-là, dit Claude, pourquoi n’accuse-t-on pas tous les anciens terroristes ? Pourquoi Billaud, Collot, Barère, Vadier, et pas Tallien, Barras, Fréron, entre autres ? Car Tallien à Bordeaux, Barras et Fréron dans le Midi, s’en sont mis jusqu’au coude, du sang. Si Billaud-Varenne a, comme on le prétend, encouragé les massacreurs de septembre, si Collot d’Herbois a employé les mitraillades à Lyon, Fréron et Barras ne se sont pas privés non plus, à Marseille, à Toulon, d’organiser des massacres et de mitrailler. Ils s’en glorifiaient alors. Lisez donc leur correspondance de ce temps avec le Comité. Elle leur a valu d’être rappelés sur-le-champ et traités de la façon la plus rude par Robespierre. Voilà les héros du thermidorisme ! Des héros qui tremblaient, le 8 Thermidor. Comme toute la Montagne et la Plaine, ils ont voté l’impression du discours de l’ Incorruptible contre les « hommes perdus », c’est-à-dire eux-mêmes en tout premier lieu. Qui a jeté alors au visage de Robespierre le nom de tyran ? Est-ce Tallien, est-ce Fréron ? Non, ce fut Cambon, ce fut Vadier. Le 9 au soir, à quoi songeait Barras ? À faire filer la Convention vers Meudon, et rien de plus. C’est Billaud qui lui a dit : “Qu’attends-tu donc pour marcher sur l’Hôtel de ville ?”
    — Nul ne t’empêche de porter ces accusations à la tribune, observa froidement Sieyès.
    — Nul, en effet, mais je ne le veux point. Je ne souhaite pas de voir décréter Fréron, Tallien, Barras, ni aucun autre, et tu le sais. L’Assemblée doit abandonner enfin les querelles de personnes, qui nous ont causé tant de maux. Si, après septembre 92, les Brissotins n’avaient pas poursuivi Danton de leur aveugle fureur et repoussé son alliance, ils seraient là encore, eux et lui. Vous, les sages, encouragerez-vous les vengeances des ex-dantonistes, des ex-girondistes, qui continuent à déchirer la Convention ?
    — Nous n’encouragerons aucune forme d’agitation, dit Cambacérès. Au contraire, nous réprimerons avec sévérité les agitateurs. Or ceux-ci, pour le moment, sont avant tout les Crêtistes.
    — Parce qu’on les persécute, on les menace. D’ailleurs les royalistes se remuent tout autant, mais par-dessous.
    — S’ils bougent trop, ils auront leur tour. Il faut vaincre les uns au moyen des autres », déclara Sieyès. Il s’y connaissait, ayant dans l’ombre fait trébucher successivement Brissot, Hébert, Danton et Robespierre.
    En parlant, les trois députés avaient gravi le vaste escalier du DixAoût, traversé la salle de l’Unité : l’ancienne chapelle, envahie elle aussi par les boutiques. Ils entrèrent dans la salle de la Liberté, aux fenêtres haut perchées. Elle s’appelait maintenant salle de la Liberté et des Drapeaux parce que le trophée placé dans celle des séances, au-dessus du fauteuil présidentiel, ne pouvait plus contenir tous les étendards enlevés à l’ennemi par les armées de la république. Leurs faisceaux pavoisaient ces murs de faux marbre. Le public habituel – curieux, gazetiers, solliciteurs, mouches, muscadins, sans-culottes, surveillés par les invalides en
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