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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I
Autoren: Max Gallo
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« Soit, soit, nous ferons toutes les vérifications expérimentales à mon laboratoire, mais il y a là une voie, semble-t-il, peut-être une impasse, mais il faut s’avancer encore, n’est-ce pas, professeur Cordelier ? » « Vérifiez, vérifiez, Menninger, mon hypothèse résistera. » Il s’approchait de la fenêtre, soulevait les tentures au moment où une calèche s’arrêtait devant l’entrée. Les portiers se précipitaient, ballets de larges parapluies noirs, et elle, la jeune femme, tenant frileusement une cape moirée sur ses épaules, sautillait jusqu’au porche de l’hôtel. Elle avait tourné la tête, elle s’immobilisait, surprise d’apercevoir Cordelier derrière la vitre, Lucia rieuse, qui s’ébrouait, s’avançait vers le salon, se présentait à Rudolf Menninger, « Je suis Lucia Bertolini, la fille du professeur Giorgio Bertolini, mon père…»
    Dans le salon du Palazzo Bertolini, devant le feu, Cordelier distrait, n’écoutant pas Menninger ou Bertolini, ou Jackson, « cette hypothèse de Cordelier, sur la structure du noyau atomique »… Lucia qui d’un mouvement de tête, à peine une inclinaison, semblait inviter Jean Cordelier à se lever. Il la rejoignait. « Vous vous intéressez à la peinture, professeur, vous savez que nous avons ici trois toiles émouvantes, un peintre vénitien de l’atelier du Tintoret », ses commentaires devant les tableaux. Le français hésitant qu’elle employait ravissait Cordelier comme s’il eût compris, sans effort, une langue étrangère, par un miracle de l’intuition.
    Il avait vécu à Rome quelques semaines, bien après que le Congrès se fut terminé, prétextant une maladie puis des recherches dans le laboratoire de Bertolini. À Paris, l’huissier du Collège de France affichait une note «  le professeur Cordelier, souffrant, n’est pas en mesure d’assurer son cours du…» remplacée bientôt par «  le professeur Cordelier en mission à l’étranger…»
    Le mariage, au printemps suivant, les enveloppes rédigées par Lucia, « Menninger, interrogeait-elle, voulez-vous ?…» On l’invitait. Mais son fils l’ingénieur Ludwig Menninger annonçait dans une lettre datée de Saint-Pétersbourg, le décès du professeur Rudolf Menninger, il y avait un mois « des obsèques privées »…
    Le feu, dans la cheminée de la bibliothèque du mas Cordelier, la bourrasque qui jetait la neige et les grêlons contre les vitres, un volet à nouveau qui frappait la façade, Jean Cordelier se leva.
    — Je voulais vous remercier, dit-il au docteur Mandrea.
    — Une naissance, mon cher, pour un médecin, c’est toujours une joie.
    Le docteur Mandrea le rejoignait, allumait une cigarette.
    — Avoir vu, commença Cordelier. – Il s’interrompit un long moment, puis reprit : – Il me semble que cette nuit m’a changé, qu’il m’ait fallu attendre un demi-siècle pour assister à l’acte le plus essentiel.
    — N’en faites pas une histoire. – Le docteur Mandrea lui saisit le bras. – Dois-je vous dire à vous que ce même jour, il y a quelques centaines de milliers d’enfants qui naissent dans le monde ? Même un 1 er   janvier !
    — Il suffit d’un, dit Cordelier, d’un seul pour que tout soit différent.
    — Bien, bien, dit Mandrea, voilà un enfant qui va compter.
    — Chaque enfant, dit Cordelier.
    — Croyez-vous ?
    — Chaque enfant devrait compter, répéta Cordelier.
    Loin, vers l’ouest et le sud, dans une ville aux rues en pente où l’on trébuche à chaque pas sur les pierres rondes et inégales le père Giulio Bertolini avançait difficilement, manquant d’oxygène, l’altitude, cette impression de froid, dont, après un séjour de trois ans déjà en Bolivie, il ne réussissait pas à discerner si elle était due à la raréfaction de l’air ou bien réellement aux variations de températures, à moins que ce ne fût la peur de mourir qui prenait ici à chaque souffle, parce que les poumons étaient comme écrasés, cherchant en vain à se dilater, et ce manque devenait, malgré l’habitude, angoisse. Giulio montait comme chaque soir vers le quartier indien de La Paz, saisi par le silence des hautes altitudes que le son cristallin d’une flûte faisait vibrer. Chaque dix pas, une halte, s’appuyer à ces façades aux soubassements de larges blocs de pierre, éviter l’affolement du cœur, combattre la crainte d’étouffer seul dans la rue déserte par l’ironie ou
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