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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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compagnie de dragons, cet homme chétif et qu’on eût dit malade avait maté la résistance huguenote avec une grande cruauté et sans le moindre état d’âme.
    La santé de M. de Chabas semblait s’être encore détériorée. Il se retenait d’une main à la portière de la voiture et de l’autre il tentait de refréner la toux qui lui arrachait les entrailles. Il mit manifestement plus de temps à reconnaître Guillaume. Mais quand ce fut fait, son visage s’éclaira d’un immense sourire.
    — Ne tirez pas, messieurs. Ce ne sont pas là nos contrebandiers. Heureux de vous revoir, monsieur de Lautaret.
    — Le plaisir est partagé, dit Guillaume. Mais je vous en conjure : une dame de condition a été enlevée. Vos hommes doivent m’aider à…
    — Tudieu, monsieur ! Je vous retrouve aussi fougueux que je vous ai laissé ! Le capitaine va se charger de cette poursuite. Me ferez-vous l’honneur de monter à mon côté ? Nous avons sans doute beaucoup de choses à nous dire.

    2.
    Un peu de mélancolie rôdait dans les vallées. La route qu’ils suivaient s’écartait parfois du fleuve et le laissait disparaître derrière des buttes ou des morceaux de forêt, mais ils le retrouvaient vite, écaillé sous la luminosité pâle du ciel, luisant comme un ventre de couleuvre, traçant son chemin au milieu d’un paysage que les ombres des nuages modelaient. Des villages perdus dans l’océan des collines s’allumaient sous la lune puis s’éteignaient. Des fermes grelottaient dans la vapeur et la fumée. On devinait, sur les deux rives, les silhouettes des gabelous à cheval qui tentaient de remonter la piste des embarcations. Cela faisait plusieurs heures qu’ils suivaient la trace des radeaux, convaincus d’avoir affaire à l’une de ces troupes de faux sauniers qui écumaient en permanence la région.
    M. de Chabas restait persuadé de l’identité des agresseurs et il avait méticuleusement interrogé Guillaume sur les circonstances de l’attaque. Il lui demanda de lui décrire avec le plus de détails possible la mise en scène de l’incendie, notamment les deux mannequins de paille et tout ce qu’il avait pu noter concernant les ravisseurs.
    — Tout cela était préparé avec beaucoup de soin, dit Guillaume. Pourquoi des faux sauniers s’en seraient-ils pris à cette pauvre femme ?
    — Ce ne sont pas seulement des faux sauniers, dit sobrement M. de Chabas. Mais parlez-moi de vous, monsieur de Lautaret. Qu’êtes-vous devenu depuis l’épisode de Seyneles-Alpes ?
    Guillaume relata à M. de Chabas le détail de ses aventures dans les Amériques septentrionales. Le conseiller en parut fort intéressé. Ses yeux avaient même flambé d’une curieuse flamme lorsque le jeune procureur lui avait fait part des liens qu’il avait pu tisser dans l’entourage du secrétaire d’État à la Marine, M. Phélypeaux de Pontchartrain.
    — Et vous, monsieur ? demanda Guillaume. Vous voilà donc à courir après les voleurs de la Ferme générale ?
    — La Ferme a réorganisé la régie des impôts indirects avec efficacité, dit M. de Chabas en baissant la voix. C’est une grande entreprise commerciale, remarquablement gérée, avec son réseau de greniers, d’entrepôts, de magasins et de bureaux… Mais en l’occurrence, le premier volé, c’est le roi.
    M. de Chabas s’arrêta pour porter la main devant sa bouche et il se laissa aller à une forte quinte de toux.
    — Pour en revenir à votre question, dit-il en s’essuyant le front, je suis toujours au service direct du roi. J’ai été en quelque sorte détaché auprès de ces messieurs de la Ferme pour mener à bien une tâche à laquelle Sa Majesté accorde beaucoup de prix.
    Il laissa longtemps sur son visage un sourire pâle, énigmatique. Il se frotta le menton tout en ne cessant de dévisager Guillaume. Il semblait procéder à de souterraines pesées.
    — À vous, je peux vous le confier, finit-il par dire d’une voix qui s’arrêtait sur chaque mot, la situation des finances du royaume est très préoccupante. D’un côté, à l’heure de la guerre de Succession d’Espagne, les besoins de Sa Majesté sont plus élevés que jamais, et de l’autre la fraude sur la gabelle a pris, ces derniers temps, une ampleur toute nouvelle. Il ne s’agit plus, comme autrefois, de quelques paysans du cru qui tentent le diable en espérant arrondir leurs revenus, mais de contrebandiers professionnels, d’une organisation
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