Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
Vom Netzwerk:
et de quelle manière, notamment, il a commandité le meurtre de Mme de Saintonges et de ses deux amies. Plusieurs papiers écrits ou signés de sa main l’accablent sans le moindre doute.
    — « C’était », avez-vous dit… ?
    — Il a été abattu, monsieur, dans des circonstances qu’il est bien difficile d’élucider…
    M. de Montmor se frotta le menton. Son regard quitta Guillaume et vint se poser sur Delphine. Elle lui tint tête et il ne put s’empêcher de la trouver désirable déguisée ainsi en poissonnière. La couleur ocre de sa jupe et son tablier en coton rouge flattaient sa chevelure blonde et peignait sa peau d’une couleur proche de l’ambre. On eût dit un santon de crèche. Il revint vers le procureur.
    — Vous m’avez remis deux rapports… ?
    — C’est que j’ai beaucoup hésité, monsieur, entre deux versions l’une et l’autre fort convaincantes. Vous serez surpris de découvrir combien l’Orfèvre manipulait votre administration. J’ai là des preuves concrètes qu’en dehors même du 5 e  bureau beaucoup de vos agents, de vos comites, de vos capitaines, jusqu’à vos fournisseurs, étaient impliqués dans les roueries de l’Orfèvre et j’ai été tenté, je dois vous l’avouer, de juger avec quelque sévérité votre autorité et votre direction. Il m’a de même parfois effleuré l’esprit que vous ne m’aviez pas apporté dans ma tâche tout le secours que j’étais en droit d’attendre. J’ai voulu en référer à Sa Majesté. D’où l’existence du premier rapport. Mais, à la réflexion, il m’a semblé que c’était là vous faire un mauvais procès et qu’à l’opposé il fallait vous féliciter d’avoir su dresser face aux ambitions de l’Orfèvre une administration compétente et toute dévouée aux intérêts du royaume. Sans votre détermination, sans votre lutte acharnée et jamais relâchée, l’Orfèvre serait allé bien plus vite et bien plus loin. D’où ce second rapport qui insiste sur le soutien sans faille que vous m’avez apporté et retient l’hypothèse que Thomazeau a été neutralisé par vos soins.
    M. de Montmor ne souriait plus, il flambait, ses cheveux blonds envolés, ses pupilles luisantes. On l’eût dit exposé à un fort coup de vent, à la manière de ces oliviers crochetés dans les collines qui, sous les poussées du mistral, rebroussent le vert de leurs feuilles et s’allument d’argent.
    — Beau travail, monsieur, dit-il en le défiant de nouveau. Il serait fort dommage que ces rapports se perdent et que Sa Majesté n’en ait pas connaissance…
    — Rassurez-vous, il ne s’agit là que de copies. Les originaux sont en lieu sûr, acheminés hors de Marseille, via ces réseaux qu’avait organisés l’Orfèvre et prêts à être déposés au cabinet du roi et dans les mains du successeur de M. de Chabas.
    L’intendant général se leva, vint piocher dans une tabatière d’argent qui reposait sur une petite commode, prisa longuement, la tête renversée. Le procureur ne bluffait pas, il le sentait. Les documents qu’il avait en sa possession ne pouvaient lui avoir été remis que par ceux-là mêmes qu’il prétendait dénoncer. Derrière Guillaume, c’était le véritable Orfèvre qui manoeuvrait. Et son message était très clair : tous gagneraient à détourner des galères le courroux du roi, à calmer le jeu et se faire oublier.
    — Je ne peux que vous féliciter, dit M. de Montmor en faisant volte-face. Vous avez mené votre mission avec une habileté qui fait mon admiration. Sa Majesté, je n’en doute pas, sera fort satisfaite de ce second rapport. Qu’attendez-vous de moi ?
    — Votre signature au bas de cette page, dit Guillaume.
    — Qu’est-ce encore ?
    — La lettre de réhabilitation que le roi avait confiée à M. de Chabas. Votre paraphe l’authentifiera.
    À partir des modèles qui s’achetaient pour une bouchée de pain sur l’étalage des baraques et grâce aux talents des faussaires qui travaillaient sous les ordres de l’Orfèvre, Guillaume n’avait pas eu beaucoup de mal à reproduire un document réputé authentique.

    3.
    Un soleil de fonte grinçait sur ses essieux avec un bruit de métal froissé, jetait des étincelles et des taches de rouille sur la mer et les îles, sur les nuages qui s’enroulaient autour des ailes des moulins et les flèches des églises. Une bonne odeur de boue et de pourriture montait du port et couvrait la procession qui
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher