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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico
Autoren: Michel Zévaco
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tout. On ne passe pas impunément
de longues années d’enfance, celles où les impressions se gravent
le plus profondément, dans l’intimité complète d’un garçon – ce
garçon fût-il un nain comme le Chico, et il ne faut pas oublier
qu’il était de formes irréprochables et vraiment joli – on ne vit
pas dans l’intimité d’un garçon sans éprouver quelque sentiment
pour lui. Surtout lorsque ce garçon se double d’un adorateur
passionné dans sa réserve voulue.
    Dire qu’elle était amoureuse de Chico serait exagéré. Elle était
à un tournant de sa vie. Jusque-là elle avait cru sincèrement
n’éprouver pour lui qu’une affection fraternelle. Sans qu’elle s’en
doutât, cette affection était plus profonde qu’elle ne croyait.
    Il suffirait d’un rien pour changer cette affection en amour
profond. Il suffirait aussi d’un rien pour que cette affection
restât immuablement ce qu’elle la croyait : purement
fraternelle. C’était l’affaire d’une étincelle à faire jaillir.
    Or, au moment précis où ces sentiments s’agitaient
inconsciemment en elle, Pardaillan lui était apparu. Sur ce
caractère quelque peu romanesque, il avait produit une impression
profonde. Elle s’était emballée comme une jeune cavale indomptée.
Pardaillan lui était apparu comme le héros rêvé. Trop innocente
encore pour raisonner ses sensations elle s’était abandonnée, les
yeux fermés. Pardaillan présent, elle avait soudain vu le Chico, ce
qu’il était en réalité : un nain. Un nain joli, gracieux,
élégant, follement épris, mais un nain quand même, une réduction
d’homme dont on ne pouvait faire un époux. Dans sa pensée, elle
décida que le Chico ne pouvait être qu’un frère et resterait un
frère autant que cela lui conviendrait. Elle s’était livrée avec
toute la fougue de son sang chaud d’Andalouse à son rêve d’amour
pour l’étranger si fort et si brave. Elle n’avait rien vu des
à-côtés de l’aventure dans laquelle elle s’engageait tête baissée.
Et c’est ainsi que nous l’avons vue pleurer des larmes de désespoir
à la pensée que celui qu’elle avait élu était peut-être mort.
    Et voici qu’en faisant ses confidences au Chico, avec cette
cruauté inconsciente de la femme qui aime ailleurs, voici que le
Chico, sans se révolter, sans s’indigner, refoulant stoïquement son
amour et sa douleur, voici que le Chico, avec cette clairvoyance
que donne un amour profond, avait dit simplement, sans insister,
sans se rendre un compte exact de la valeur de son argument, le
Chico avait dit la seule chose peut-être capable de l’arrêter sur
la pente fatale où elle s’engageait :
« Qu’espères-tu ? »
    Sans le savoir, sans le vouloir, c’était un coup de maître que
faisait le nain en posant cette question. Sans le savoir, il venait
de l’échapper belle, car ses paroles, après son départ, Juana les
tourna et les retourna sans trêve dans son esprit.
    Elle était la fille d’un modeste hôtelier, un hôtelier dont les
affaires étaient prospères, un hôtelier qui passait pour être même
assez riche, mais un hôtelier quand même. Et ceci, c’était une tare
terrible à une époque et dans un pays où tout ce qui n’était pas
« né » n’existait pas. Or, elle, fille d’hôtelier,
hôtelière elle-même – hôtelière par désœuvrement, par fantaisie,
pour rire si on veut, mais hôtelière quand même – elle avait jeté
les yeux sur un seigneur qui traitait d’égal à égal avec son
souverain à elle, puisqu’il était, lui, le représentant d’un autre
souverain. Que pouvait-elle espérer ? Rien, assurément. Jamais
ce seigneur ne consentirait à la prendre pour épouse légitime.
Quant au reste, elle était trop fière, elle avait été élevée trop
au-dessus de sa condition pour que l’idée d’une bassesse pût
l’effleurer.
    Le résultat de ses réflexions avait été que son amour pour
Pardaillan s’était considérablement atténué. Or le terrain que
perdait le chevalier, le Chico le regagnait sans qu’elle s’en
doutât elle-même. Elle était donc combattue par deux sentiments
contraires : d’une part son amour tout récent, amour violent,
en surface, pour Pardaillan ; d’autre part, son affection
lointaine, plus profonde qu’elle ne croyait, pour le Chico. Lequel
de ces deux sentiments devait l’emporter ?
    Et c’est à ce moment-là que Pardaillan revenait. Certes, elle
fut heureuse de le voir
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