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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico
Autoren: Michel Zévaco
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jusqu’à
la mort. Jamais cœur plus vaillant et plus fidèle n’a battu dans
une poitrine d’homme.
    Juana ne dit rien, mais elle fit une jolie moue qui
signifiait :
    – Vous ne m’apprenez rien de nouveau.
    Pardaillan se montra très sobre d’explications. C’était du reste
assez son habitude. Il se garda de souffler mot de ce qu’il avait
surpris concernant le Torero et ne dit que juste ce qu’il fallait
pour faire ressortir le rôle de Chico, qu’il prit plaisir à
exagérer, sincèrement d’ailleurs, car il était de ces natures
d’élite qui s’exagèrent à elles-mêmes le peu de bien qu’on leur
fait.
    Ces explications données, il prétexta une grande fatigue, et sur
ce point il n’exagérait pas, car tout autre que lui se fût écroulé
depuis longtemps, et monta s’étendre dans les draps blancs qui
l’attendaient.
    Pardaillan parti, Cervantès se retira. Le Torero remonta au
premier saluer la Giralda et le Chico resta seul.
    Juana, fine mouche, ne daigna pas lui adresser la parole.
Seulement, après avoir tourné et viré dans le patio, sûre qu’il ne
la quittait pas des yeux, elle se dirigea d’un air détaché vers un
petit réduit qu’elle avait arrangé à sa guise et qui était comme
son boudoir à elle, boudoir bien modeste. Et en se retirant, la
petite madrée regardait par-dessus son épaule pour voir s’il la
suivait. Et comme il ne bougeait pas de sa place, elle eut une moue
comme pour dire : « Il ne viendra pas, le
nigaud ! »
    Et comme elle voulait qu’il vînt, elle tourna à demi la tête et
l’ensorcela d’un sourire.
    Alors le Chico osa se lever et, sans avoir l’air de rien, il la
rejoignit dans le petit réduit, le cœur battant à se briser dans sa
poitrine, car il se demandait avec angoisse quel accueil elle
allait lui faire.
    Juana s’était assise dans l’unique siège qui meublait la pièce,
très petite. C’était un vaste fauteuil en bois sculpté, comme on en
faisait à cette époque, où l’on se fût montré fort embarrassé de
nos meubles étriqués d’aujourd’hui. Comme elle était petite, ses
pieds reposaient sur un large et haut tabouret en chêne, ciré,
frotté à se mirer dedans comme le fauteuil, comme tous les meubles,
car elle était, nous l’avons dit, d’une propreté méticuleuse, et
veillait elle-même à ce que tout fût bien entretenu dans la
maison.
    Le Chico se faufila dans la pièce et resta devant elle muet et
l’air fort penaud. À le voir, on l’eût pris pour un enfant qui a
commis quelque grave délit et attend la correction.
    Voyant qu’il ne se décidait pas à parler, elle entama la
conversation, et avec un visage sérieux, sans qu’il lui fût
possible de discerner si elle était contente ou fâchée :
    – Alors dit-elle, il paraît que, tu es brave
Chico ?
    Ingénument, il dit :
    – Je ne sais pas.
    Agacée, elle reprit avec un commencement de nervosité :
    – Le sire de Pardaillan l’a dit bien haut. Il doit s’y
connaître, lui qui est la bravoure même.
    Il baissa la tête et, comme on avouerait une faute, il
murmura :
    – S’il le dit, cela doit être… Mais moi, je n’en sais
rien.
    Les petits talons de Juana commencèrent de frapper sur le bois
du tabouret un rappel inquiétant pour Chico, qui connaissait ces
signes révélateurs de la colère naissante de sa petite maîtresse.
Naturellement cela ne fit qu’accroître son trouble.
    – Est-ce vrai ce qu’a dit M. de Pardaillan que
celle que tu aimeras, tu l’aimeras jusqu’à la mort ? fit-elle
brusquement.
    On se tromperait étrangement si on concluait de cette question
que Juana était une effrontée ou une rouée sans pudeur ni retenue.
Juana était parfaitement ignorante, et cette ignorance suffirait à
elle seule à justifier ce qu’il y avait de risqué dans sa question.
Rouée, elle se fût bien gardée de la formuler. En outre, il faut
dire que les mœurs de l’époque étaient autrement libres que celles
de nos jours, où tout se farde et se cache sous le masque de
l’hypocrisie. Ce qui paraissait très naturel à cette époque ferait
rougir d’indignation feinte tous les pères de la Morale de nos
jours. Enfin il ne faut pas oublier que Juana, se considérant un
peu comme la petite madone du Chico, habituée à son adoration
muette, le considérant comme sa chose à elle, accomplissait très
naturellement certains gestes, prononçait certaines paroles qu’elle
n’eût jamais eu l’idée d’accomplir ou
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